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Roméo + Juliet : Mathew Bourne et le mal-être adolescent

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Théâtre du Châtelet, Paris. 12-III-24. New Adventures : Romeo + Juliet. Direction artistique et chorégraphie : Matthew Bourne. Musique : Sergueï Prokofiev. Décors et costumes : Lez Brotherston. Lumières : Paule Constable. Orchestration : Terry Davies. Création sonore : Paul Goothuis. Associée à la direction artistique : Etta Murfitt. Associée à la chorégraphie : Arielle Smith. Avec les danseurs de la compagnie New Adventures.

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L'adaptation par le chorégraphe anglais du ballet Roméo et Juliette s'installe jusqu'à la fin du mois au Théâtre du Châtelet. Fraicheur des interprètes pour une version transposée dans un institut pour jeunes adolescents, le Verona Institute.

L'univers carcéral a toujours inspiré les chorégraphes. Il est vrai que c'est un lieu idéal pour évoquer les affrontements entre deux clans ou deux familles. L'adaptation réalisée en 1990 par Angelin Preljocaj et Enki Bilal pour le Ballet de l'Opéra de Lyon, puis repris par le Ballet Preljocaj était un modèle du genre. Dans cette nouvelle version contemporaine signée par en 2019, rebaptisée Romeo + Juliet, Roméo est un jeune mineur abandonné par ses parents sénateurs (on les voit saluer de loin une foule), dans un institut pour jeunes adultes où les vêtements de ville sont remplacés par un pyjama blanc mixte. Filant la métaphore, le bal devient bal de promo ou bal des fous, orchestré par une femme pasteur et sous étroite surveillance des gardiens. On pense ici au bal de West Side Story, en nettement plus timide !

Les gardiens, intraitables, séparent durement les garçons et les filles. Au fil de la pièce, leur régime se durcit, et le chorégraphe insiste sur les conditions de vie difficile de ces jeunes adolescents privés de liberté et ne pouvant pas aimer librement. Le décor carrelé est astucieusement pourvu de deux accès, un pour les filles et un pour les garçons, tandis qu'une grille et un chemin de ronde dominent l'établissement d'où ces jeunes ne peuvent s'échapper.

Cependant, le manque d'antagonisme entre deux camps, comme dans le drame originel des amants de Vérone, dont les deux familles étaient ennemies, fait du livret une simple et banale histoire d'amour contrariée, avec des scènes de pensionnat classique. Petits lits de fer faits au carré, conciliabules après extinction des feux, ces scènes donnent lieu à des chassés-croisés entre filles et garçons, les deux partageant le même décor. Dansée sur le chemin de ronde, la scène du balcon entre Roméo et Juliette ne dégage pas vraiment d'émotion car les histoires d'amour adolescentes ont moins d'enjeux, quand elles ne sont pas politiques.

modifie à plusieurs reprises le scénario de l'histoire de Shakespeare. Par exemple, pour venger l'assassinat de Mercutio, Tybalt fait l'objet d'un meurtre collectif, dont Roméo est accusé. La fin du ballet est totalement altérée. Séparés, les deux amants parviennent à se rejoindre avec la complicité du prêtre, mais c'est finalement la folie – et le fantôme de Tybalt, qui les séparent à jamais.

La réorchestration de la musique de Prokofiev par , voulue par Matthew Bourne comme il l'explique dans l'entretien qu'il nous a accordé, déshumanise un peu cette partition ultra connue et donne un air nasillard à l'ensemble, qui manque de chair et d'accents dramaturgiques. Si les scènes de bal sont efficaces et fidèles à l'esprit de Prokofiev, plusieurs autres passages clés de la partition semblent comme édulcorés.

Du côté de la danse, saluons l'engagement des jeunes danseurs de la distribution, en particulier du couple soliste incarnant Roméo et Juliette, et de Tybalt. Les scènes de groupe, parfois à l'unisson, optent pour une écriture plutôt martiale, tandis que les pas de deux sont passionnés, rageurs et impuissants. Le chorégraphe ménage peu de passages solistes et virtuoses, à l'exception d'un solo bondissant pendant le premier tableau du deuxième acte, et celui de Roméo lorsqu'il est seul dans sa cellule après sa condamnation.

L'ensemble du spectacle forme cependant un moment rafraichissant, tonique et sans temps mort, qui permet d'attirer un nouveau public enthousiaste vers la danse.

Crédits photographiques : © Johan Persson

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Théâtre du Châtelet, Paris. 12-III-24. New Adventures : Romeo + Juliet. Direction artistique et chorégraphie : Matthew Bourne. Musique : Sergueï Prokofiev. Décors et costumes : Lez Brotherston. Lumières : Paule Constable. Orchestration : Terry Davies. Création sonore : Paul Goothuis. Associée à la direction artistique : Etta Murfitt. Associée à la chorégraphie : Arielle Smith. Avec les danseurs de la compagnie New Adventures.

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