Un très beau Freischütz en tournée avec Antonello Manacorda et Golda Schultz
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Baden-Baden. Festspielhaus. 3-V-2025. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Der Freischütz, opéra en trois actes, livret de Johann Friedrich Kind (1768-1843) avec texte parlé de Steffen Kopetzky (né en 1971). Golda Schultz (soprano), Agathe ; Nikola Hillebrand (soprano), Ännchen ; Charles Castronovo (ténor), Max ; Kyle Ketelsen (baryton-basse), Kaspar ; Jongmin Park (basse), Kuno et un ermite; Milan Siljanov (baryton), Kilian ; Levente Páll (baryton), Ottokar ; Johanna Wokalek (récitante), Samiel ; Kammerakademie Potsdam ; RIAS Kammerchor, direction : Antonello Manacorda
Après Paris au TCE et avant Potsdam, c'est à Baden-Baden que l'équipe rassemblée autour d'Antonello Manacorda s'arrête. Le Kammerakademie Potsdam, le RIAS Kammerchor et une très belle distribution de chanteurs y interprètent un Freischütz brillant et revigorant.
Donner un singspiel en concert n'est pas simple : il faudrait des chanteurs qui soient aussi bons acteurs que chanteurs en allemand, ce qui est difficile avec une distribution internationale, ou bien couper tous les dialogues ce qui serait une amputation, ou encore introduire un récitant qui résumerait l'action que tout le monde connaît. Le choix fait ici se défend : Steppen Kopetzky remplace les dialogues par une narration personnelle du personnage de Samiel (donc, le diable) dans un style poétique pseudo-goethéen, qui n'est ni lourd ni intéressant, et qui fait une transition parfois un peu décousue mais globalement acceptable entre les pièces musicales. Que Samiel soit féminin (Johanna Wokalek est une excellente narratrice) n'apporte ni ne retranche rien à l'histoire.
Antonello Manacorda est le chef principal et le directeur artistique de la Kammerakademie Potsdam depuis quinze ans. Il a eu le temps de familiariser cette belle phalange à une approche hybride : pratiques d'interprétation historiquement informées et parfois, comme ce soir, des cuivres et des bois à l'ancienne qui se mêlent à des vents modernes. Le résultat est très convaincant. Le chef obtient de son orchestre une précision et une justesse parfaites, mais aussi des couleurs légèrement âpres et veloutées, qui donnent une patine sonore sans écaille d'une grande beauté. Tout est alors possible : emportement fougueux, rêve élégiaque, évocation de la nature, tension morale, déferlements cataclysmiques. L'esprit romantique et populaire du chef d'œuvre de Weber est superbement rendu, avec un enthousiasme jubilatoire. Le RIAS Kammerchor est au même niveau d'excellence, agile, précis, et chantant lui aussi avec un plaisir communicatif.
Si les grands triomphateurs de la soirée sont l'orchestre et le chœur (quel geste charmant, quand les solistes leur donnent tous leurs bouquets, lors du salut !), les chanteurs ne sont pas en retrait pour autant. Même les petits rôles sont magnifiquement tenus. Levente Páll est un Ottokar digne et énergique, lui-même impressionné par l'ermite particulièrement profond de Jongmin Park. Milan Siljanov fait un très bon Kilian, et Kyle Ketelsen renouvelle la performance qu'il avait déjà donnée à Munich avec le même chef en 2021. Ce n'est pas facile de chanter le rôle d'un méchant et de rester sur un chant parfaitement propre, mais il arrive avec une grande rigueur de style, et en jouant de ses couleurs sombres et de son allemand idéalement percussif, à une incarnation génialement diabolique, sans la moindre grimace vocale. Charles Castronovo est, comme toujours, valeureux et très correct, mais légèrement décevant. On n'a rien à lui reprocher, à part un allemand très scolaire et un léger manque de charme, de soleil dans le timbre, ou de liant dans le phrasé. Du côté des dames, c'est le bonheur. Nikola Hillebrand, qui a déjà chanté Agathe à Bregenz, délivre une Ännchen désarmante de charme, de fraîcheur et de simplicité. Quant à Golda Schultz, elle écarte tous les nuages et fait tomber la lumière grâce à sa voix longue, souple, délicieusement timbrée et son phrasé de rêve. Voilà un duo de dames qu'on voudrait réentendre ensemble dans Arabella, Les Noces, Don Giovanni…
Crédits photographiques : © Manolo Press/ Michael Bode
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Baden-Baden. Festspielhaus. 3-V-2025. Carl Maria von Weber (1786-1826) : Der Freischütz, opéra en trois actes, livret de Johann Friedrich Kind (1768-1843) avec texte parlé de Steffen Kopetzky (né en 1971). Golda Schultz (soprano), Agathe ; Nikola Hillebrand (soprano), Ännchen ; Charles Castronovo (ténor), Max ; Kyle Ketelsen (baryton-basse), Kaspar ; Jongmin Park (basse), Kuno et un ermite; Milan Siljanov (baryton), Kilian ; Levente Páll (baryton), Ottokar ; Johanna Wokalek (récitante), Samiel ; Kammerakademie Potsdam ; RIAS Kammerchor, direction : Antonello Manacorda