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Petit dictionnaire Schoenberg : J comme…

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ResMusica propose une série commémorative autour d’Arnold Schoenberg selon un petit et kaléidoscopique dictionnaire pour tracer un portrait par petites touches de cet homme aux mille facettes et à la personnalité complexe, cultivant avec virtuosité le paradoxe, et à plus d’un point de vue attachante, malgré son emprise écrasante. Pour accéder au dossier complet : Petit dictionnaire de Schoenberg

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J comme Kakosleiter et Judendstil

Die Jakobsleiter, oratorio inachevé (1915-…)

Dès le début des années 1910, en réponse aux tournures de plus en plus aphoristiques de son propre langage et à la « crise » de l'articulation discursive et formelle engendrée par l'atonalité nouvelle, Schoenberg envisage une solution radicale : outre l'achèvement de son opéra Die glückiche hand, il nourrit l'immense projet d'une symphonie pour solistes, chœur et orchestre en cinq mouvements qui restera à l'état de plans et d'ébauches. Le texte aux intentions philosophiques profondes aurait été un montage associant des œuvres et citations de divers poètes, de à Rabindranath Tagore. Autres inspirations souterraines, l'Inferno et Jakob Brottning (la Lutte de Jacob) de Strindberg et pour le final, sans doute les dernières pages du roman Séraphita de Balzac, cet être androgyne aux capacités extraordinaires et à l'irrésistible ascension céleste finale, sorte de sur-réalité d'ordre spirituel, relais entre monde humain et aspiration divine, inspirée par la philosophie visionnaire d'. Schoenberg se ravise alors, et songe à un texte continu basé sur « la querelle de l'Homme avec Dieu » (dans la descendance de la Lutte biblique de Jacob avec l'Ange) – avant que l'Homme  ne retrouver le chemin d'une nouvelle religiosité et de la prière – et en 1912, prend donc en conséquence contact avec , le poète qui lui a inspiré Verklâtrte Nacht, pour la rédaction du livret. Celui-ci se dérobe, ne voulant « écrire des vers sur commande » (sic!) tout en proposant le cas échéant un livret préexistant, sa Schöpfungsfeier (la Fête de la Création), que Schoenberg retient pour le mouvement central de sa symphonie.

Le projet symphonique se veut très aventureux sur le plan du langage – le scherzo esquissé est le premier essai de « musique à douze notes » connu sous la plume du maître –  mais  est finalement abandonné… pour mieux en recycler les idées musicales en un oratorio : cette fois, sûr de son coup, le compositeur rédige assez vite son propre livret. Il s'inspire du passage biblique du Livre de la Genèse relatant le Rêve de Jacob (28, versets 12-13), situé avant la Lutte avec l'Ange. Jacob voit une échelle reliant la Terre au Ciel avec des anges qui montent et descendent. L'interprétation est déjà très différente selon les trois religions du Livre : pour le Judaïsme, c'est l'expression du lien entre Dieu et son peuple même dans les épreuves les plus dures, avec le don de la Torah et du Temple ; pour le Christianisme, la préfiguration de Jésus comme Échelle d'Ascension et Voie du Salut ; pour l'Islam « Ya' cub« , moins central, préfigure l'ascension nocturne, l'al-Mi'raj, du Prophète Muhammad ou la Voie du Droit Chemin. C'est aussi une figuration de l'Élévation spirituelle vers la perfection dans de nombreuses traditions ésotériques, dont certains rites maçonniques : l'Échelle figure sur de nombreux tapis de loges.

Schoenberg y ajoute d'autres références syncrétiques encore, les idées de réincarnation et de karma, héritées de l'hindouisme, des références bouddhistes, théosophiques voire anthroposophiques dans la lignée de Steiner, et, à nouveau, la métaphysique des Correspondances de Swedenborg. L'échelle n'est donc envisagée dans sa seule vision biblique : c'est une métaphore de l'élévation spirituelle et musicale de l'Humanité, avec des échelons qui sont les étapes de la souffrance, du doute, de la connaissance et de la rédemption, établies selon un décret divin. Le livret en deux parties est intégralement finalisé dès mai 1917. Schoenberg y fait part de ses préoccupations métaphysiques, avec ce chemin vers la Prière Nouvelle, après la « faillite » des religions révélées, et les culs-de-sac idéologiques que constituent, pour lui, les voies de l'athéisme ou du matérialisme.

Durant la première partie, l'archange Gabriel, à la fois conseiller et juge, mène divers personnages allégoriques sur la voie de l'ascèse et d'une ascension spirituelle : sont convoqués un appelé, un rebelle, un lutteur, un élu, un moine, un mourant, et enfin une âme. L'exorde initiale de l'archange est sans appel : » Que ce soit à droite ou à gauche, en avant ou en arrière, vers le haut ou vers le bas – il faut poursuivre sans demander ce qu'il y a devant ou derrière vous : cela doit être secret, vous devez l'oublier pour accomplir la tâche. » Les vastes fragments qui nous sont parvenus concernent cette première « phase ». Seules des bribes pour la seconde partie ont été composées : la traduction de son livret intégral allemand n'est accessible en français que depuis l'an dernier, au sein du volume épais publié par les éditions Contrechamps et de la Philharmonie de Paris. Deux grands sermons y sont alors tenus par l'Archange Gabriel aux âmes purifiée, avant qu'elles n'atteignent les plus hautes sphères, puis soient renvoyées sur Terre pour y être réincarnées. Le livret se termine par un hymne grandiose à la gloire des « Forces de Prière », préfigurant singulièrement les préoccupations religieuses schönbergiennes des ultimes Moderne Psalmen de 1950-51.

Schoenberg travaille à la partition (un fragment de 603 mesures) vers la fin de la Grande Guerre, du 19 juin au 19 septembre 1917, date à laquelle il est rappelé sous les drapeaux. Libéré de ses obligations, il reprend le travail de fin 1917 à mars 1918 (une petite centaine de mesures) ; toute la première partie et le vaste interlude orchestral sont alors notés en particelle. Il continue à travailler dans les années 1920 – une quinzaine de fragments épars pour la seconde partie – mais laisse le travail en plan. D'autres projets sont alors à l'ordre du jour, en marge à la fois de la mise au point du système dodécaphonique et du progressif retour au Judaïsme. Il s'éloigne alors du « creuset spirituel » de l'oratorio et trouve, dans  l'autre vaste projet inachevé, mais cette fois opératique que sera Moses und Aron, une quête religieuse d'un autre ordre. Le maître nourrit l'espoir de reprendre et d'achever les deux œuvres monumentales en chantier aux USA, fin 1944, mais le refus d'octroi de la bourse Guggenheim l'empêche d'aller plus loin que la retranscription d'une quarantaine de mesures en partition grand format de Die Jakobsleiter.

Après la mort de Schoenberg, , la veuve du compositeur, confie le manuscrit à , un ancien disciple berlinois, lequel « réalise » et orchestre le très vaste fragment selon ses dernières directives connues. La création de ces trois bons quarts d'heure de musique tiendra elle-même du roman-feuilleton : le 12 janvier 1958, crée à Hambourg les cent vingt premières mesures, mais c'est à Rafaël Kubelik que revient l'honneur de diriger la première du fragment intégral, le 16 juin 1961 à Vienne. Zillig revoit l'instrumentarium sensiblement à la baisse. Initialement, Die jakobsleiter avait été tout d'abord envisagé pour des effectifs colossaux, rappelant la Huitième symphonie de Mahler et dépassant les Gurre-lieder (sept cent vingt choristes et plus de  trois cents musiciens, avec entre autre exemple, vingt flûtes ou vingt-quatre clarinettes). Mais c'est surtout l'organisation spatialisée envisagée à la fin de l'œuvre, pour le grand chœur de prière universelle final, jamais composé, qui aurait été une expérience totalement inédite.
D'autres effets, réalisés, sont des plus surprenants : Schoenberg expérimente à grande échelle le Sprechgesang du Pierrot Lunaire dans une tout autre dimension expressive. Et l'ascension de l'âme symbolisée par une stratosphérique voix de soprano colorature dans l'extrême aigu, s'éteint peu à peu soutenue par un chœur sans parole de femmes « supraterrestres ». Si l'esthétique se veut délibérément expressionniste, elle n'en demeure pas moins d'un raffinement sonore presque exubérant.

La problématique principale de la rédaction musicale est inhérente aux recherches scripturales évolutives de Schoenberg à cette époque : le compositeur envisage diverses  solutions qui permettront de régenter l'atonalité et mèneront au système de la composition à douze sons. En ce sens, Die Jakobsleiter est la parfaite œuvre de crise. Et la reprise à distance chronologique respectable d'une œuvre importante mais fragmentaire posait le problème de la continuité stylistique. Toutefois, les principes structurels unificateurs sont puissants, et préfigurent la pensée dodécaphonique : l'hexacorde ut dièse-ré-mi-fa-sol-la bémol- demeure la base « cachée » de l'œuvre et par permutations, transpositions, rétrogrades, modifications rythmiques, Schoenberg en dérive une multitude  de motifs proliférants tous intrinsèquement liés.

Le fait que l'œuvre soit restée inachevée et demeure un des « inédits posthumes »  les plus passionnants de l'histoire de la musique, résonne parfaitement avec sa thématique. Les plus grandes aspirations humaines ne sont peut-être pas destinées à être pleinement réalisées, mais elles trouvent leur beauté et leur sens dans le processus même de leur poursuite, par l'idée même de la transcendance de l'existence terrestre. L'absence de finalité musicale reflète celle de la quête spirituelle qu'elle dépeint. L'œuvre elle-même est une échelle suspendue, dont on ne voit ni le sommet ni le bas, invitant à une contemplation de l'effort plus que du résultat.

L'œuvre demeure relativement peu enregistrée : on peut citer le pionnier (Sony), très sec, les excellents (Sony) et (HM), la captation radio de la SWR publiée par Hänssler dirigée par , ou la méconnue et difficilement trouvable mais très transparente vision de (Denon à rééditer). Il existe aussi, en video (et à paraître très prochainement en support audio), sur le concert hall digital des Berliner Philharmoniker une captation réalisée sur place, dans l'urgence du concert, en janvier 2024 sous la direction de , très fouillée mais un peu distante et froide. La personnalité complexe de Gabriel a donné lieu à des incarnations antinomiques mais complémentaires : par exemple, , récemment disparu, avec Boulez lui confère une aura prophétique et autoritaire, là où , avec Nagano, insiste beaucoup plus sur le côté « humain, trop humain » du personnage.

Jugendstil : l'essence de la pensée musicale schoenbergienne  entre 1897 et 1908. 

L'étude détaillée de l'émergence de l'Art Nouveau dans toute l'Europe dépasserait le cadre de cet article ; en voici une brève généalogie européenne. Tout commence avec l'émergence de nouvelles tendances de l'Art dans l'Angleterre victorienne, avec le mouvement « Arts and Crafts »  de William Morris dès les années 1860, préambule du Modern Style, puis le style Art Nouveau  selon l'axe Paris-Bruxelles où est fondé le cercle artistique Les XX dès 1884. L'Art Nouveau est né d'une volonté du rejet de la production de masse  au profit d'une revalorisation de l'Artisanat avec une élévation des arts appliqués (mobilier, verrerie, ferronnerie, bijoux) au même rang que les beaux-arts (peinture, sculpture), prônant un retour au pur savoir-faire. Il proclame la fin de l'Historicisme et rejette tous les styles « néo » ou les pastiches de l'éclectisme artistique en vogue à cette époque. Le mouvement se caractérise par la recherche d'une beauté et d'une esthétique ancrées dans l'air du temps, par une « inspiration naturelle » avec ces  formes organiques, florales et végétales (tiges, feuilles, insectes), et l'utilisation les lignes courbes, sinueuses et asymétriques (parfois dénommées  du «coup de fouet»). C'est donc aussi une célébration de la « Nature » face au monde industriel du fer et de la vapeur.

Il y a aussi une tendance au Gesamtkunstwerk (œuvre d'Art Totale) avec l'ambition d'intégrer l'art dans tous les aspects de la vie quotidienne. Un architecte Art Nouveau ne conçoit pas seulement le bâtiment, mais aussi les meubles, les luminaires, les tissus et les poignées de porte, créant un environnement complet et harmonieux, tel un Victor Horta bâtissant de toute pièce l'Hôtel Tassel à Bruxelles en 1893, de concert avec le décorateur Henri Baes.

Le mouvement, bien dans le Zeitgeist, va gagner de manière légèrement différée les terres germaniques, peut-être sous l'influence assez proximale des novateurs lorrains, tel Emile Gallé ou Louis Majorelle, pour ne citer qu'eux parmi les fondateurs de l'école de Nancy, et au-delà de toute rivalité géopolitique post 1870, Gallé exposera de manière marquante en Allemagne, par exemple à Dresde en 1901 ! La fondation de la Sécession munichoise en 1892 en réaction à l'académisme institutionnel marque un premier pas, mais c'est surtout, in situ, la fondation de la revue Jugend en 1896, sous la férule de Georg, Hirth, qui lance le mouvement et lui donne son nom, repris tel quel d'ailleurs aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves. Cependant, à Vienne et dans l'empire austro-hongrois, c'est la Sécession Viennoise, fondée en 1897 avec Gustav Klimt, Otto Wagner, Josef Hoffmann et Joseph Maria Olbrich, qui va conférer une donne  plus rigoureuse et psychologique au mouvement. Elle se place elle aussi en rupture ne serait-ce que par la devise fièrement  placée au fronton de son Palais viennois  : « À chaque époque son art, à l'art sa liberté ». »

Contrairement à l'Art Nouveau lyrique de Horta, la Sécession viennoise tend davantage vers la simplification formelle. Elle privilégie aux lignes courbes initialement admises, plus souvent l'orthogonalité (le carré, la grille) et s'axe un peu plus au fil des ans vers la ligne droite, préfigurant une modernité plus fonctionnelle qui marquera les travaux de Josef Hoffmann et des Wiener Werkstätte. Sur le plan thématique, l'art de la Sécession – déclinaison autrichienne du Jugenstil – présente une dimension plus psychologique voire philosophique et sombre, fortement influencée par le climat fin de siècle viennois : celle des essais poétiques de Stefan George ou de , des romans fondateurs d'Hugo von Hofmannsthal ou d'Arthur Schnitzler, et bien entendu de la « découverte » de l'Inconscient et les premiers essais psychanalytiques de Sigmund Freud. L'ornementation et l'esthétique sont souvent chargées d'un symbolisme intense ou d'une tension émotionnelle, notamment dans la peinture de Klimt, faisant de ce style un prélude direct à l'Expressionnisme qui émergera vers 1908. C'est dans ce contexte culturel d'une Vienne fin de siècle qu'il faut envisager aussi les grandes œuvres de la première phase créatrice de Schoenberg (1897-1907), celle où il pousse les limites du système tonal progressivement dans leur dernier retranchement pour gagner une acuité expressive de plus en plus percutante.

Verklärte Nacht (1899), composé initialement pour sextuor à cordes, est considéré comme la première musique à programme réduite à la  musique de chambre, une sorte de Kammerdichtung, si nous osons écrire. L'œuvre conjugue le rigorisme de la facture brahmsienne rappelant les deux sextuors opus 18 et 36 du maître hanséatique, avec l'expansion infinie de la phrase wagnérienne, par un sens aigu de la courbe mélodique, des recherches harmoniques et de nouvelles volutes sonores sous-tendant une vaste architecture pensée d'un seul tenant. L'œuvre est directement inspirée du poème de Richard Dehmel Weib und Welt aux thèmes sensuels et spirituels très fin de siècle : une femme avoue à son amant qu'elle est enceinte d'un autre homme ; celui-ci accepte la situation et accueille cette nouvelle comme une transfiguration de leur Amour et de leur bonheur. L'atmosphère sombre, chromatique et richement expressive qui évolue vers une radieuse apothéose est donc parfaitement en phase avec le mouvement Jugendstil.

Les Gurre-Lieder (dont la composition essentielle s'étend de 1901 à 1903, l'orchestration in toto étant achevée dix ans plus tard) offrent une ampleur wagnérienne, tant par la nature même du propos, les techniques de langages et l'emploi d'effectifs colossaux. Leur lyrisme romantique exubérant, leur gourmandise timbrique ostensible, mais aussi la netteté des contours mélodiques et de l'articulation dramatique marquant l'apogée du style post-romantique allemand/autrichien, en font le pendant musical du gigantisme et de l'expressivité émotionnelle intense des toiles  et frises contemporaines (la fameuse Beethoven-Fries du palais de la Secession!) de Gustav Klimt.

Pelleas und  Melisande opus 5, reprend le schéma du poème symphonique avec l'argument sous-tendu par le drame de Maeterlinck, mais avec ses quatre mouvements enchaînés, recadre le propos avec celui d'une gigantesque symphonie. L'œuvre est saturée d'une écriture orchestrale très dense et d'un chromatisme poussé, amplifiant l'atmosphère lourde et tragique du drame : très éloignée des visions debussystes ou fauréennes plus intimes, elle  rappelle en cela les œuvres les plus sombres de Klimt, telle Die drei Lebensalter der Frau.

Le premier quatuor à cordes opus 7 veut explorer un parcours similaire mais dégagé de tout argument littéraire préalable. La forme monumentale et unifiée cristallise l'idée du Gesamtkunstwerk : un seul mouvement continu de quarante-cinq minutes, articulé en quatre parties selon le principe du fondu enchaîné, d'une exubérante audace formelle et exploratoire quant à la résolution des  dissonances par des progressions harmoniques audacieuses. Cette richesse reflète la densité émotionnelle et la complexité psychologique recherchées par les artistes de la Sécession, en opposition à la simplicité classique, dans un climat qui annonce clairement les premiers pas de l'Expressionnisme en musique.

Une rupture générale se profile dès lors dans tous les Arts. Les architectes et designers de la Sécession remettent en jeu leurs acquis : Adolf Loos critique au nom d'un nouvel humanisme l'ornementation excessive de son propre mouvement dans son essai Ornament und Verbrechen dès 1908-1910, en français publié par la suite par les Cahiers d'aujourd'hui en 1913 sous le titre plus insidieux encore d'« Ornement et Crime. L'Art et les Hommes « . L'architecture se détache progressivement de la complexité pour meneur à plus de fonctionnalité et Loos annonce les mouvements modernes à venir et en particulier le Bauhaus de Walter Gropius. Klimt et surtout son protégé Egon Schiele simplifient les lignes de leurs peintures ou dessins, et ouvrent la porte aux premiers pas de l'expressionnisme pictural.

Pour Schoenberg le point de rupture effectif sera le deuxième quatuor opus 10 : la tonalité extrêmement instable du premier mouvement « officiellement  » en fa dièse mineur mène le Jugenstil compositionnel schönbergien à l'implosion. D'une alacrité rythmique et harmonique sans précédent, le scherzo cite la chanson viennoise « Ach, du lieber Augustin, alles ist hin » (« Ah, cher Augustin, tout est perdu ») de manière déformée et grinçante : symbole de l'écroulement de l'ancien monde musical. Après ces adieux déchirants puis ironiques – Schoenberg traverse aussi à l'époque une grave crise conjugale -, les deux derniers mouvements avec voix sur des poèmes de Stephan George issus du cycle Der siebente Ring, marquent, par l' abandon quasi total de toute référence tonale, la rupture avec l'ornementation romantique, cherchant et trouvant une nouvelle économie de moyens, en guise de transition vers une esthétique elle aussi « moderne » et plus dépouillée.

Crédits photographiques : Programme dédicacé de la première de Die Jakobsleiter , Wien, 16 juin 1961 © Libre de droits ; Victor Horta : hôtel Tassel, Bruxelles © Musée Horta  ; Autographe du 4e mouvement, Entrückung ( Elevation) du deuxième quatuor à cordes d'Arnold  Schoenberg 

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