De 1911 à nos jours… Dans cette intégrale solide qui équilibre habilement les archives du patrimoine et les artistes d'aujourd'hui, plus d'un siècle d'interprétations ravéliennes nous contemplent !
Il serait bien présomptueux de savoir à quel public s'adresse ce type de coffret. À priori, à tout le monde, de l'amoureux du Boléro au mélomane averti. Le premier ira vers les grandes fresques (en y incluant les Tableaux d'une exposition de Moussorgski dont on aurait préféré ceux de Cluytens, certes déjà bien présent, à la lecture convenue de Maazel et du Philharmonia). Le second auditeur puisera tout de suite dans les quatre disques consacrés aux enregistrements historiques. Régulièrement réédités, mais jamais vraiment regroupés, ils surprennent toujours par la vie qui jaillit des doigts d'Alfred Cortot, de Marcelle Meyer et d'une « belle oubliée », Henriette Faure dans les Miroirs. On goûte aux fruits défendus, aujourd'hui, des doutes et des errements de ces époques (Jacques Février dans le Concerto pour la main gauche, en 1942), Maurice Ravel, chef et surtout pianiste incertain dans ses propres Valses nobles et sentimentales (stéréophonisées d'après les rouleaux Welte-Mignon de 1913), sans oublier l'incontournable (« hélas », diront certains) Marguerite Long… La prise de risques n'est plus de mise et on se surprend à être ému aux larmes en écoutant le Quatuor Caplet, en 1936 ou bien l'archet lumineux de Zino Francescatti accompagné par Maurice Faure, en 1931, dans Tzigane.
De l'œuvre vocale, on retrouve l'intégrale des mélodies proposées depuis les années quatre-vingts avec quelques pièces plus rares dont les cantates du Prix de Rome préalablement parues chez Naxos. On avait presque oublié Myrrha et Alcyone par l'Orchestre national du Capitole de Toulouse et Michel Plasson, à l'époque où cette formation possédait une sonorité appropriée et se dédiait, avec tant de réussite, au répertoire français. L'éditeur jongle très bien entre les voix d'un passé prestigieux (Van Dam, Mesplé, Norman, Ameling, etc.) et les nouvelles générations de voix, moins typées souvent, mais d'une souplesse remarquable (Crebassa, Delunsch, Devieilhe). L'Heure espagnole – impeccable sous la baguette d'Armin Jordan – et l'Enfant et les sortilèges – moins indispensable avec Mikko Frank (il est vrai que Maazel et Ansermet dominent encore la discographie), complètent l'ensemble.
La musique de chambre réunit, en deux albums, “anciens” et “modernes” : le Quatuor Ebène, d'une virtuosité très affutée et d'un lyrisme finalement dans la tradition française d'entre-deux guerres, les frères Capuçon et, en miroir, les lumineux Christian Ferras, Pierre Barbizet dans Tzigane ainsi que Jean-Jacques Kantorow et Jacques Rouvier pour la Berceuse sur le nom de Fauré.
L'œuvre pour piano s'équilibre judicieusement : Bertrand Chamayou et Beatrice Rana pour le présent. Deux lectures de maîtres incontestables auxquelles Warner a ajouté le Gaspard de la nuit de Samson François – l'ignorer eut été « impardonnable » – et la version pianistique pleine de panache et de vie de Daphnis et Chloé par Claire-Marie Le Guay. Elle parut chez Accord et Universal l'a confié à Warner. Elégants, la Sonatine et les Miroirs sont confiés à Anne Queffélec. Une belle surprise que ces gravures des soixante-dix. Les pièces pour quatre mains et deux pianos puisent dans divers catalogues, de Teldec (la Valse un peu brutale d'Argerich et Rabinovitch), l'intéressante transcription du Prélude à l'après-midi d'un faune par Olivier Chauzu et Jean-Pierre Armengaud (ex-Naxos) ainsi que diverses bandes disponibles chez Brilliant. Rien n'a fait l'objet d'une gravure récente, ce qui est dommage car le Boléro d'Achatz et Nagai, par exemple, est d'une dureté rébarbative.
De l'œuvre orchestrale, le Concerto pour la main gauche est sous les doigts de Samson François – un incunable – mais l'éditeur a choisi Martha Argerich sous la baguette de Vedernikov pour le Concerto en sol, ce qui est fort dommage. Il fallait à nouveau privilégier Samson François. On regrette aussi que seule la Pavane ait été confiée à Giulini. Ne pouvait-on, aussi, privilégier le génial Barbirolli, voire Baudo, Martinon ou Armin Jordan pour Ma Mère l'Oye en lieu et place de Rattle avec Birmingham ? Plus encore, les Valses nobles et sentimentales, demeurent préférables avec Martinon et Cluytens alors que le choix s'est porté, diplomatiquement, sur Nézet-Séguin… Enfin, on retrouve André Cluytens dans le ballet intégral de Daphnis et Chloé : un ravissement, presque six décennies après l'enregistrement…
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