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Lucrezia Borgia à Turin : Belcanto ou rien ?

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Turin. Teatro Regio. 3-IV-2008. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucrezia Borgia opéra en un prologue et deux actes sur un livret de Felice Romani. Mise en scène : Francesco Bellotto. Décors : Angelo Sala. Costumes : Cristina Aceti. Lumières : Andrea Anfossi. Avec : Dimitra Theodossiou, Lucrezia Borgia ; José Bros, Gennaro ; Michele Pertusi, Don Alfonso ; Kate Aldrich, Maffio Orsini ; Giacomo Patti, Jeppo Liverotto ; Marco Camastra, Don Apostolo Gazella ; Donato Di Gioia, Ascanio Petrucci ; Emanuele Giannino, Oloferno Vitellozzo ; Enrico Marabelli, Gubetta ; Enrico Iviglia, Rustighello ; Alessandro Guerzoni, Astolfo. Chœur du Teatro Regio (Chef de chœur : Claudio Marino Moretti), Orchestre du Teatro Regio, direction : Bruno Campanella

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Avec cette nouvelle production du Teatro Regio en coproduction avec le Festival de Bergame se pose la question de l'opportunité actuelle de monter des opéras de pur belcanto avec les exigences vocales particulières d'une œuvre aussi exigeante que Lucrezia Borgia.

En se penchant sur le cas de cet opéra de Donizetti, force est de constater que les productions qui ont tenu la route jusqu'ici se sont appuyées sur les plus grandes pointures du théâtre lyrique. Si la distribution turinoise s'avère d'un niveau vocal des plus honnêtes, on reste cependant loin de celui des , Monserrat Caballé et autre Joan Sutherland, ces divas qui ont marqué l'œuvre de Donizetti. Le monde lyrique actuel souffrant cruellement de l'absence de voix capable de soutenir de tels opéras, faut-il pour autant renoncer à les présenter ?

Belcanto ou rien ? Qui ne tente rien n'a rien ! Sous cet aspect, la prise de risque du Teatro Regio est à complimenter. Ceci d'autant plus que certaines cantatrices prévues au moment de la présentation de la saison 2007-2008 ont déclaré forfait lorsqu'elles se sont attaquées à cette partition. Ainsi dans le rôle-titre, la soprano italienne s'est retirée de la course pour laisser la place à sa compagne grecque Dimitra Theodossiu, alors que, de son côté, la mezzo-soprano américaine remplace l'Italienne originalement prévue pour tenir le rôle très particulier de Maffio Orsini. Lucrezia Borgia est un opéra épuisant pour le rôle-titre. Sur scène pratiquement du début à la fin, la cantatrice doit posséder, outre une excellente condition physique, des qualités de soprano dramatique doublées d'une grande agilité de vocalises. Une wagnérienne chantant Rossini ! Il faut reconnaître à (Lucrezia Borgia) d'évidentes qualités vocales pour le rôle. Après des débuts un peu timides, chantant dans la retenue, elle se révèle sous de biens meilleurs auspices émotionnels dès la violente scène où elle s'oppose à son mari Don Alfonso. (Acte I, scène 6). Si la soprano grecque ne manque pas des atouts nécessaires à cette partition, un peu plus de métier bien conduit la portera certainement aux sommets d'une espèce de cantatrices jusqu'ici en «voix» de disparition.

Avec un opéra centré sur l'expression vocale, la manière de chanter fait les personnages plus encore que le costume ou la mise en scène. Or, comment comprendre que Gennaro est le fils de Lucrèce autrement que dans l'expression vocale, les chanteurs sur le plateau ayant sensiblement le même âge ? A Turin, l'erreur de distribution est flagrante. Sans que les qualités du ténor espagnol (Gennaro) soient mises en cause, (même si les aigus souvent trop poussés ont la fâcheuse tendance à détimbrer son instrument) il faut bien avouer que sa voix est trop sombre pour personnifier celle du fils de cette Lucrèce Borgia. Le plateau turinois offre cependant deux personnages superbement brossés avec la basse (Don Alfonso) et la mezzo (Maffio Orsini). Avec le premier, le chant donizettien prend une hauteur émotive d'exception. , en grande forme, chante avec un sens du phrasé belcantiste et un legato digne des plus grandes basses de ce répertoire. Très à l'aise sur tout le registre, il assure une présence scénique de sa seule voix. À ses côtés, la mezzo-soprano (Maffio Orsini) propose son rôle travesti avec une audace vocale étonnante. Sa capacité d'offrir de la puissance dans le registre grave de son spectre vocal en fait une interprète idéale de ce garçon véhément et révolté.

Dans sa mise en scène, Francesco Bellotto favorise le récit littéral. Posant clairement l'intrigue, il n'explore que peu l'aspect psychologique de ses personnages, puisque l'expression vocale doit s'en charger. Dans son choix scénique, tout au plus pourra-t-on lui reprocher d'avoir choisi une troupe de gardes féminines maniant l'épée comme des aiguilles à tricoter pour être sinon crédibles, du moins efficaces dans les scènes d'arrestation ou de protection de leurs maîtres. Fait de grands murs et de colonnes carrées en briques rouges, le décor (Angelo Sala) dépeint efficacement l'austérité architecturale médiévale sur laquelle on aurait néanmoins aimé que les éclairages () soient plus contrastés. Si les costumes sont beaux et souvent très bien dessinés, en revanche, celui de Lucrèce Borgia aurait mérité d'être plus lumineux et d'ainsi présenter des attraits dignes d'une reine plutôt que la pâle chemise de nuit dont elle était affublée.

Dans la fosse, démontre sa profonde connaissance de l'opéra italien en donnant des couleurs chatoyantes à un Orchestra del Teatro Regio en bonne forme quoique souvent timide.

Crédit photographique : © Ramella & Giannese/Fondazione Teatro Regio di Torino

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Turin. Teatro Regio. 3-IV-2008. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucrezia Borgia opéra en un prologue et deux actes sur un livret de Felice Romani. Mise en scène : Francesco Bellotto. Décors : Angelo Sala. Costumes : Cristina Aceti. Lumières : Andrea Anfossi. Avec : Dimitra Theodossiou, Lucrezia Borgia ; José Bros, Gennaro ; Michele Pertusi, Don Alfonso ; Kate Aldrich, Maffio Orsini ; Giacomo Patti, Jeppo Liverotto ; Marco Camastra, Don Apostolo Gazella ; Donato Di Gioia, Ascanio Petrucci ; Emanuele Giannino, Oloferno Vitellozzo ; Enrico Marabelli, Gubetta ; Enrico Iviglia, Rustighello ; Alessandro Guerzoni, Astolfo. Chœur du Teatro Regio (Chef de chœur : Claudio Marino Moretti), Orchestre du Teatro Regio, direction : Bruno Campanella

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