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Strasbourg, du mythe de la Caverne

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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès. 23-IX-2011. Steve Reich (né en 1936) : The Cave, Oratorio multimédia en trois parties ; vidéo, textes : Beryl Korot ; lumières : Jürgen Koss ; Ensemble Modern ; Synergy Vocals ; direction : Jonathan Stockhammer

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L'édition 2011 du de Strasbourg qui se déroule jusqu'au 8 octobre promet cette année encore, par l'ampleur de sa programmation et l'excellence de ses interprètes, d'ouvrir des perspectives passionnantes sur la création musicale d'aujourd'hui.

En ouverture, Musica fêtait les cinquante ans des Percussions de Strasbourg avec la projection du  film/portrait d'Eric Darmon relatant l'odyssée sonore de cet ensemble mythique ; les six percussionnistes donnaient en seconde partie Le Noir de l'étoile, une partition de Gérard Grisey qui leur est dédiée et où l'univers des sons percutés rejoint la poétique du cosmos.

Le lendemain, pour les 75 ans de , pionnier américain du courant minimaliste, le festival mettait à l'affiche The Cave, un « opéra documentaire » crée en 1993 qui concrétisait la première collaboration du compositeur avec la vidéaste Beryl Korot mettant à l'œuvre les nouvelles technologies audio-visuelles. The Cave (la Caverne biblique) désigne la grotte de Makpéla à Hébron, un des seuls lieux, situé en territoire palestinien, où juifs et musulmans viennent ensemble se recueillir; selon la Bible, cette grotte mythique abrite en effet le tombeau d'Abraham, « père d'une multitude »; il aura deux fils: Ismaël d'abord, conçu par la servante Hagar et considéré par les musulmans comme le prophète de l'Islam ; Isaac ensuite, enfanté par l'épouse légitime Sara, devenant le père du Judaïsme. « Je crois que l'histoire actuelle d'Israël et de Palestine ne peut bien se comprendre qu'à la lumière de l'Ancien Testament et du Coran » précise qui mène à cette époque une recherche personnelle sur ses propres racines hébraïques.

Donnée dans une nouvelle version concertante – et rebaptisée « oratorio multimedia » – cette oeuvre d'envergure – 2h15 de spectacle – en trois parties est écrite pour 17 instruments et 4 chanteurs; son sujet comme son matériau sonore sont fournis par les réponses apportées par des israéliens (1ère partie), des palestiniens (2ème partie) et des américains (3ème partie) aux cinq questions concernant l'histoire de ces personnages bibliques: que représentent pour vous Abraham, Sara, Agar, Ismaël, Isaac? « Un récit raconté trois fois, du point de vue de trois cultures différentes » résume .

Fixés à une structure métallique au-dessus des musiciens – l'excellent sous la direction très investie de – cinq écrans vidéo font apparaître le visage des personnes interrogées ainsi que des fragments du contexte qui les environne, dans une captation esthétiquement très réussie. En alternance, des extraits de texte de la Genèse, du Coran… apparaissent simultanément en arabe, en allemand, en anglais et en français. Dans la première partie, un rien étirée – répétition oblige! – voix et image sont traitées selon la technique de l'échantillonnage jouant sur la fragmentation et la scansion rythmique amplifiée par les percussions métalliques. Les quatre chanteurs – épatants – interviennent pour faire le récit biblique, imposant alors le temps de la narration, ou commentent les réponses, comme les chœurs « de foule » dans les Passions de Bach. Non dirigée, la seconde partie, moins systématique et plus intimiste dans la fusion des sons et de l'image, ménage des instants d'une grande intensité émotionnelle tel ce chant de l'Imam auquel se superposent les voix solistes. Après l'entracte, la partie américaine réamorce l'énergie avec une participation vocale et instrumentale plus intense et des réponses aussi inattendues que savoureuses – l'américain songe davantage à Abraham Lincoln et à Moby Dick qu'aux Patriarches d'Hébron – trahissant des références théologiques plus qu'approximatives.

La réalisation tirée au cordeau de ce spectacle fascinant pour qui aime s'immerger dans la temporalité singulière du New Yorkais, livre au public d'aujourd'hui une réflexion aussi pertinente que profonde sur un thème d'une actualité particulièrement brûlante.

Crédit photographique : © Marco Borggreve

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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès. 23-IX-2011. Steve Reich (né en 1936) : The Cave, Oratorio multimédia en trois parties ; vidéo, textes : Beryl Korot ; lumières : Jürgen Koss ; Ensemble Modern ; Synergy Vocals ; direction : Jonathan Stockhammer

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