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Un concert pour rassembler les énergies humaines en ouverture de Présences

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Paris. Maison de la Radio et de la musique. 7-II-2023. Chia-Ying Lin (née en 1990) : Sky Blue, pour ensemble (CM) ; Unsuk Chin (né en 1961) : Double Concerto pour piano, percussion et ensemble ; Cantatrix Sopranica, pour deux sopranos, contreténor et ensemble, sur des textes de Unsuk Chin, Harry Mathews, ArnHolz et une chanson datant de la dynastie chinoise Tang ; Bastien David (né en 1990) : Chlorophyll Synthesis, pour grand ensemble, chœur d’enfants et métallophone (CM). Samuel Favre, percussion ; Dimitri Vassilakis, piano ; Johanna Vargas, Suzanne Leitz-Lorey, sopranos ; Andrew Watts, contreténor ; Maîtrise de Radio France, cheffe de chœur : Sophie Jeannin ; Ensemble Intercontemporain, direction : Tito Ceccherini

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est l'invitée d'honneur du 2023 qui s'ouvre par un superbe concert de l' et un premier portrait de la compositrice coréenne auquel s'associent deux créations, de la Taïwanaise et de .

 

Sky blue pour dix instruments de la jeune trentenaire reprend le titre du tableau de Vassily Kandinsky, Bleu de ciel, peint en 1940. Le bleu atmosphérique de la toile s'anime de toutes sortes de tracés fantaisistes et colorés dans un registre merveilleusement optimiste malgré sa date de conception. Pour son « Bleu de ciel imaginaire », la compositrice favorise les textures lumineuses (piano, cordes et percussions) sur lesquelles viennent progressivement s'inscrire les fulgurances de figures solistes, entre calme et turbulence, transparence et saturation de la matière. L'orchestration y est raffinée, jouant sur les contrastes de registres et l'acuité des timbres (trompette bouchée, clarinette basse) même si la tension de l'écoute tend parfois à se relâcher.

Le Double concerto pour piano, percussion et ensemble d' a tout juste vingt ans, commandé en 2003 par l'. Il est créé en février 2003 dans cette même Maison ronde par les deux solistes de la soirée, (piano) et (percussionniste). On est d'emblée saisi par la manière dont la compositrice organise son espace sur le déploiement d'échelles-harmonie qu'arpentent les claviers de la percussion. Deux sets d'instruments sont convoqués, celui de , souverain dans sa position de soliste, et celui de son collègue , non moins vaillant, qui apporte d'autres colorations et effets de timbre. Le piano est préparé sur la partie médium du clavier (piano-cymbalum), pour mieux rejoindre l'univers percussif de son partenaire. Il sonne un peu en retrait ce soir, du dans doute à une position très excentrée. Quant à l'ensemble des dix-neuf musiciens de l'EIC, il constitue la résonance, « l'ombre » des solistes.

Avec une habileté prodigieuse de l'orchestration, crée des textures entremêlées où fusionnent les sons les plus graves et des aigus volubiles comme dans le gamelan javanais qui inspire en profondeur son écriture. Magistral également est sont travail d'hybridation des timbres, regardant cette fois vers Berio, et l'énergie vitale qui traverse ce Double concerto. L'ensemble est somptueux, d'une luxuriance sonore étourdissante sous le geste souple et investi de Tito Ceccherini.

Co-commande de l'EIC, toujours, la seconde pièce de Unsuk Chin, Cantatrix sopranica, pour trois chanteurs et ensemble (2005) s'inspire de l'ouvrage éponyme de Georges Perec dont la compositrice s'éloigne du texte proprement dit. Elle propose davantage « une exploration de l'acte de chanter », dans l'élan de ses œuvres « auto-réflexives ». Il ne s'agit pas de mettre un texte en musique mais de nous montrer la manière dont il est chanté, « comme un chant à propos du chant ».

Les deux sopranos et Susanne Leitz-Lorey sont au côté du contreténor , tous trois épatants dans leur jeu de rôle. Dans ces huit numéros aussi drôles que délicatement ciselés, l'écriture instrumentale peut parfois prendre le dessus, selon la teneur du propos. Le quatrième, dans sa manière « boule de neige », part d'un texte strictement oulipien de Harry Matthews et d'une fréquence à peine audible qui va grossir progressivement. Le cinquième met en vedette le contreténor amorçant une sorte de lamento baroque (accompagné par le clavecin) auquel réagissent les deux cantatrices en imitant et se moquant, rejointes par un trombone éploré. Délicieux également, le sixième numéro utilisant un texte chinois de la dynastie Tang et la cantillation nasale des deux sopranos. On pense aux Non-sens Madrigals (quoique a cappella) du maître Ligeti et cette manière libre et fantasque, théâtrale assurément, d'aborder la musique vocale.

n'écrit pas seulement la musique qu'il rêve, poussé par un imaginaire hors norme ; il repense le format de sa composition, y incluant la mise en espace, la chorégraphie de gestes, la lumière, et la lutherie nouvelle : ainsi a-t-il conçu lui-même son métallophone au 1/12ème de ton dont c'est la deuxième apparition dans l'auditorium de Radio France.

Chlorophyll Synthesis, sa nouvelle œuvre qui fleure bon la verte nature, est écrite pour chœur d'enfants, métallophone et grand ensemble ; c'est une co-commande de Radio France et de l'EIC réunissant ce soir les solistes de l'Intercontemporain, et la Maîtrise de Radio France. Le chœur est installé dans les gradins d'arrière scène tandis que les six percussionnistes (Les insectes) arrivent du fond de la salle, baguettes frémissantes sous les doigts pour mettre en vibration l'instrument microtonal. Se déploie dans l'espace une sorte de voile sonore au tissage extrêmement fin qu'accompagnent des mouvements de bras évocateurs, moment de grâce longtemps prolongé avant que n'interviennent les instrumentistes pour former avec le métallophone un seul et nouveau corps sonore. La percussion sur les supports de l'instrument engendre des résonances profondes et étranges sur lesquelles viennent s'inscrire les voix du chœur : pas de texte mais des vocalises et autant de couleurs qui se fondent aux résonances instrumentales et modèlent un timbre composite où règne l'ambiguïté des sources : bruits de nature et échos divers des voix relayées par les instruments, bruissement sensuel, impacts mystérieux et entrechocs des pierres, entre le minéral et l'élément aquatique.

 

Apparaissent alors ces « lumières spéciales » (dixit Debussy) du nocturne où les enfants manipulent des miroirs qui reflètent la lumière des pupitres, notre compositeur et fervent écologiste préférant l'énergie humaine à celle de l'électricité! « S'arrêter pour imaginer et dessiner un monde vivant, cohérent et véritablement juste », prévient : on ne saurait mieux exprimer notre ressenti à l'écoute de cette nouvelle pièce immersive autant que régénérante à laquelle le public fait un véritable triomphe.

Saluons la qualité et la tenue exemplaires de la Maîtrise préparée par Sofi Jeannin, l'excellence de et des solistes de l'EIC conduits ce soir de main de maître par Tito Ceccherini.

Crédit photographique : portrait Unsuk Chin © Christophe Abramowitz ; photos concerts ©

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