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Fausto de Louise Bertin renaît avec Karine Deshayes au TCE

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 20-VI-2023. Louise Bertin (1805-1877) : Fausto, opera semi-seria en quatre actes sur un livret de la compositrice traduit en italien par Luigi Balocchi, d’après Faust de Goethe. Avec : Karine Deshayes, Fausto ; Karina Gauvin, Margherita ; Ante Jerkunica, Mefisto ; Nico Darmanin, Valentino ; Marie Gautrot, Catarina ; Diana Axentii, Una strega/Marta ; Thibault de Damas, Wagner/Un banditore. Vlaams Radiokoor. Les Talens Lyriques, direction musicale : Christophe Rousset

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Redécouvert il y a quelques années, Fausto de la compositrice retrouve la scène grâce au Palazzetto Bru Zane qui lui consacre une distribution conséquente sous la direction de , à l'occasion d'un concert au Théâtre des Champs-Élysées et d'un enregistrement discographique.

Au théâtre de l'avenue Montaigne renait en cette fin de saison une véritable rareté, partition d'une compositrice française contemporaine de Berlioz, née deux ans après lui en 1805 et décédée huit ans plus tard en 1877. En 1825, elle compose Guy Mannering d'après Walter Scott, puis Le Loup-Garou sur un livret de Scribe en 1827 et en 1936 Esmeralda sur un livret de Victor Hugo.

Dès 1826, elle pense à Faust tant la pièce de Goethe l'attire, mais la création de l'opéra seulement cinq ans plus tard laisse à Berlioz la primeur d'un ouvrage sur le chef-d'œuvre allemand, puisque ses Huit Scènes de Faust seront publiées dès 1828. Créé au Théâtre Italien, l'opéra de précède La Damnation de Faust de son compatriote (1846), les Scènes du Faust de Goethe de Schumann (1853) ou le Faust de Gounod (1859). Prévu pour être créé par la Malibran en 1830, il n'est joué que l'année suivante, avec un gros changement dans le rôle-titre : d'abord prévu pour la contralto Rosmunda Pisaroni, il est finalement transposé pour être offert au ténor Domenico Donzelli. Également, alors que l'on rentre en pleine période romantique, le Théâtre-Italien de Paris impose du seria, et c'est donc avec un livret de la compositrice traduit en italien par Luigi Balocchi que cet opéra semi-seria verra le jour.

Pour la recréation de l'ouvrage au TCE en cette fin de saison 2022/2023, c'est bien la version avec un Fausto contralto qui a été retenue, donc une première mondiale dans cette mouture. À la direction, vient se placer devant et débute une ouverture très dramatique, dans le style de Gluck ou de Haydn, ce qui ne surprend pas quand on sait que la compositrice s'est formée au contrepoint avec Reicha. Ensuite, il va accompagner la distribution pendant plus de deux heures, avec un entracte entre les actes II et III, sans que l'on ressente une fougue particulière à porter des parties pourtant contrastées. De l'ouvrage, on retient notamment l'écriture très fine et parfois passionnante pour les bois, ou encore le coup de gong final, en plus d'un véritable talent d'orchestration. Malheureusement, et c'est pour cela sans doute que l'œuvre est restée à l'état de rareté, un style personnel peine à se définir, et l'on oscille pendant toute l'œuvre entre Haydn et le premier Berlioz, en pensant parfois à Meyerbeer dans le traitement du chœur, et de plus en plus souvent à Mozart ou à Mayr à mesure que la pièce se laisse découvrir.

Pour les voix, c'est exactement la même chose : il y a de beaux moments, mais en plus d'un livret trop terne, les récitatifs se rapprochent tous de Mozart ou à la limite de Rossini, auxquels on pense aussi beaucoup en fin d'acte II avec un aria très virtuose de Mefisto. Dans les seconds rôles, on aime le style souple de l'écriture du Valentino, bien traité grâce au ténor , et également, même si sa partie est courte, le lyrisme de la mezzo-soprano pour Catarina. tient deux petits rôles d'un timbre très agréable, tandis que se fait remarquer en Wagner grâce à son medium-grave bien projeté.

Le se montre très efficace lors de ses nombreuses interventions, mais on reste en revanche quelque peu sur notre faim quant aux premiers rôles, car si la basse croate se montre ample et sonore et lance ses graves avec assurance, , tout juste sortie de sa Valentine des Huguenots à Marseille, montre qu'elle est aujourd'hui plus falcon que contralto. Si la mezzo française est en train de quitter Adalgisa pour aller de plus en plus vers Norma, il y a des raisons, et elles se retrouvent dans les graves systématiquement couverts par l'orchestre comme dans un bas-médium parfois trop peu audible. Plus surprenant encore est le rôle de Margarita, proposé à , dont le chant subtil peine autant sur la puissance que sur les vocalises, là où cette partie écrite pour la Malibran aurait dû exposer éclats et couleurs à de multiples reprises.

C'est donc en demi-teinte que s'achève la soirée, avec l'impression d'avoir redécouvert une artiste et une œuvre intéressantes dans ce Fausto, limité cependant par le manque d'unité globale de la partition et par l'interprétation. Malgré tout, on reste curieux d'entendre un jour Esmeralda, d'après Notre-Dame de Paris.

Crédits photographiques : © Gil Lefauconnier

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