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Le retour des Huguenots à l’Opéra de Marseille

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Marseille. Opéra. 11-VI-2023. Giacomo Meyerbeer (1791-1864) Les Huguenots, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe et Émile Deschamps. Mise en scène : Louis Désiré. Décors et costumes : Diego Mèndez-Casariego. Lumières : Patrick Méeüs. Avec : Karine Deshayes, Valentine ; Florina Ilie, Marguerite de Valois ; Éléonore Pancrazi, Urbain ; Émilie Bernou, un coryphée / une jeune fille catholique ; Océane Champollion, une dame d’honneur / une jeune fille catholique ; Enea Scala, Raoul de Nangis ; Marc Barrard, le comte de Nevers ; Nicolas Courjal, Marcel ; François Lis, le comte de Saint-Bris ; Kaëlig Boché, Cossé ; Thomas Dear, Méru ; Frédéric Cornille, Thoré ; Carlos Natale, Tavanes ; Jean-Maris Delpas, de Retz ; Alfred Bironien, Bois-Rosé ; Gilen Goicoechea, Maurevert. Chœur de l’Opéra de Marseille. Chef de chœur Emmanuel Trenque. Orchestre de l’Opéra de Marseille. direction José Miguel Pérez-Sierra.

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Les Huguenots de Meyerbeer n'avaient pas été donnés à l'Opéra de Marseille depuis 1967, avec Tony Poncet. Ces dernières années, après Paris en 2018, Genève en 2020, Bruxelles en 2022, Robert le diable à Bordeaux en 2021, le Prophète à Toulouse en 2017, assisterions-nous à une « Meyerbeer renaissance » ? On ne peut que le souhaiter.

Et pourtant, pour cette quasi-résurrection, on ne peut pas dire que ait mis les petits plats dans les grands. Les costumes sont pour la plupart hideux et les décors minimalistes. Par exemple, les jardins du château de Chenonceau sont ainsi à peine suggérés par quelques poufs en plastique vert, alors qu'ils devraient évoquer l'atmosphère érotique qui entoure la reine Margot. Le dispositif tourne autour d'une simple cloison percée de larges portes pour délimiter les différents lieux de l'action. Plus problématique, catholiques et protestants sont vêtus de costumes noirs identiques, dans les éclairages sombres de , si bien qu'on ne discerne plus qui combat qui, tandis que certains chanteurs se partagent plusieurs rôles, parfois dans la même scène. On plaint beaucoup ceux qui découvriront l'œuvre, en essayant de comprendre l'intrigue. La seule bonne idée est celle d'un rideau qui descend des cintres, de plus en plus maculé de sang au fur et à mesure que le massacre de la Saint-Barthélémy se précise. De la même façon si l'on comprend bien que le metteur en scène a désiré une lecture simple et accessible, la direction d'acteurs ne représente en rien les émotions de nobles du XVIᵉ siècle, mais les situent surtout dans une gestuelle contemporaine, ce qui est fort dommageable.

Du point de vue de la distribution, on est bien sûr bien plus satisfaite, encore que notre placement, à l'orchestre mais sous le balcon, nous a empêché non seulement de voir une moitié de la scène, mais d'entendre correctement la musique, qui se réverbérait sur le dit-balcon. Ainsi chaque chanteur semblait perdre une bonne partie de sa brillance.

Les Huguenots est un opéra de foule, et les chœurs, nombreux, excellemment préparés par , sont précis, à la fois dans leur chant et dans leur jeu de scène, ce qui n'est pas si facile à obtenir. Les seconds rôles, pour leur part, eux aussi nombreux, sont impeccables, et semblent éprouver autant de plaisir que les spectateurs.

est une Valentine idéale. La tessiture lui convient à merveille, et sa culture belcantiste, encore dans toutes les oreilles au moment de la création, lui permet de donner à son personnage un raffinement extrême. Dans sa robe jaune moutarde, pas vraiment heureuse à l'œil, est une jolie Marguerite, mais sans personnalité, ni éclat particulier. Grosse impression en revanche pour l'Urbain d', à la fois pour la souplesse de sa voix et la puissance de son timbre.

est un excellent Raoul, qui avait déjà poli son rôle à la Monnaie de Bruxelles. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher une tendance à chanter souvent forte et à manquer parfois de nuances. A moins qu'il ne s'agisse de signes de fatigue, car il s'agit de la dernière représentation de la série, et le rôle est vraiment écrasant, hérissé d'aigus puissants. De plus, l'œuvre est donnée en version quasi-intégrale, ce qui n'arrive que très rarement. Ainsi entend-on deux airs pour Urbain, le deuxième étant un air alternatif, composé à l'occasion d'une reprise, et qu'on n'entend jamais ensemble dans la même soirée. Et puis, tout le début de l'acte V, généralement coupé, est ici rétabli, avec une présence constante du ténor. Un véritable challenge, pour lui, mais aussi pour l'Opéra de Marseille. Chapeau !

, desservi par un costume peu flatteur, conserve son élégance, mais semble avoir un peu perdu l'émail de son timbre. Toujours dans le domaine des accoutrements improbables, le protestant fanatique Marcel est revêtu d'une longue robe pourpre qui rappelle celle d'un cardinal catholique. Au moins, cela sert-il à le repérer facilement lors des scènes de foule. , malgré cela, offre une prestation solide, avec de très jolis graves, presque trop beau, trop jeune, trop raffiné, pour le rôle. est un Saint-Bris solide et bien chantant, malgré des aigus atteints souvent péniblement.

Sous la baguette de , l'orchestre ne cède en rien à ce quasi sans faute musical, avec parfois des choix de tempi inattendus.

La saison prochaine de l'Opéra de Marseille s'ouvrira avec une Africaine, antérieurement reportée pour cause de Covid. Est-ce à dire que la maison continuera son exploration du répertoire meryerbeerien, et que nous aurons la chance dans les prochaines années de voir sur cette scène Le Prophète ou Robert le diable ?

Crédit photographique : © Christian Dresse

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Marseille. Opéra. 11-VI-2023. Giacomo Meyerbeer (1791-1864) Les Huguenots, opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe et Émile Deschamps. Mise en scène : Louis Désiré. Décors et costumes : Diego Mèndez-Casariego. Lumières : Patrick Méeüs. Avec : Karine Deshayes, Valentine ; Florina Ilie, Marguerite de Valois ; Éléonore Pancrazi, Urbain ; Émilie Bernou, un coryphée / une jeune fille catholique ; Océane Champollion, une dame d’honneur / une jeune fille catholique ; Enea Scala, Raoul de Nangis ; Marc Barrard, le comte de Nevers ; Nicolas Courjal, Marcel ; François Lis, le comte de Saint-Bris ; Kaëlig Boché, Cossé ; Thomas Dear, Méru ; Frédéric Cornille, Thoré ; Carlos Natale, Tavanes ; Jean-Maris Delpas, de Retz ; Alfred Bironien, Bois-Rosé ; Gilen Goicoechea, Maurevert. Chœur de l’Opéra de Marseille. Chef de chœur Emmanuel Trenque. Orchestre de l’Opéra de Marseille. direction José Miguel Pérez-Sierra.

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