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Le festival du Haut-Limousin investit de nouveau la ferme de Villefavard

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Ferme de Villefavard. 28-VII au 4-VIII -2023.
Les talents de l’Adami : Œuvres de Leos Janacek (1854-1928), Henryck Wieniawski (1835-1880), Richard Wagner (1813-1883), Gaspard Cassado (1897-1966), Francis Poulenc (1899-1963), Bruno Mantovani (1974- ). Franz Schubert (1797-1828), Sergeï Prokofiev (1891-1953). Extraits d’opéra de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Charles Gounod (1818-1893), Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Gioacchino Rossini (1792-1868), Jules Massenet (1842-1912), Ruperto Chapi (1851-1909), Johann Strauss (1804-1849).
Winterreise – Voyage d’hiver de Franz Schubert (1797-1828) sur des textes de Wilhelm Müller (traductions d’Antoine Thiollier) : Compagnie « Miroirs étendus ». Direction musicale et piano : Romain Louveau. Jean-Christophe Lanièce, Baryton. Victoire Bunel, mezzo-soprano.
Mélodies françaises par Lucile Richardot et Anne de Fornel: mélodies de Lili Boulanger (1893-1918) et Nadia Boulanger (1887-1979), Gabriel Fauré (1845-1924).

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La ferme de Villefavard a fêté ses 20 ans l’année dernière et accueille une fois encore le festival du Haut-Limousin qui, durant une semaine, offre un programme riche, diversifié, en dehors des sentiers battus où l’on est prêt à découvrir les talents confirmés (Lucile Richardot) ou en devenir (les jeunes talents de l’ADAMI).


La ferme de Villefavard est un lieu unique : salle design à l’acoustique remarquable, résidence d’artistes, lieu de festivals, d’enregistrements et d’expositions, de création et de diffusion, guinguette d’après-concert … Tout concours à en en faire un lieu de partage détendu et attachant.

Les talents de l’ADAMI


Dans le cadre de la résidence qu’offre la ferme de Villefavard, les jeunes talents de l’ADAMI de l’année (4 instrumentistes et 4 chanteurs lyriques) ont partagé un séjour pour travailler ensemble à la préparation du concert. A travers la présentation de deux morceaux aux styles, langues et époques différents, l’objectif est pour eux de mettre en avant leurs qualités et leur polyvalence.

C’est la violoniste Sarah Jegou-Sageman qui ouvre le bal en douceur avec une balade de Leoš Janáček, toute en langueur et tendresse avant un scherzo-tarentelle endiablé d’Henrik Wieniawski. La jeune violoniste témoigne d’une virtuosité sans esbroufe préférant les couleurs et les intentions au spectaculaire.

Captivant, le ténor Abel Zamora est impressionnant de clarté et de dramatisme dans l’air de Dardanus de Jean-Philippe Rameau « Lieux funestes où tout respire » avant d’interpréter avec une belle présence un air de Tamino de La Flûte enchantée de Mozart, plein de candeur et de séduction.

Le violoncelliste Léo Ispir déploie une longue ligne très élégante et suave dans la romance d’après Albumblat revue par David Popper (célèbre violoncelliste de la fin du XIXe siècle) et étonne par les ruptures multiples du troisième mouvement de la Suite pour violoncelle de Gaspar Cassado entre tendresse et expressivité dramatique.

La soprano Camille Chopin semble être de la graine des artistes de caractère par un jeu de scène assuré et amusé, plein de générosité. Elle expose en outre une très belle voix, pulpeuse et colorée dans les airs de la malheureuse comtesse des Noces de Figaro de Mozart et celui de la plus alerte comtesse du Comte Ory de Rossini. Elle offre beaucoup de contrastes et de présence à ses deux interprétations mais négocie peut-être mieux la langueur de l’air mozartien que la virtuosité et les notes piquées de Rossini, peut-être un peu plus précautionneuses. Reste un moment de joie absolue et la volonté de suivre une artiste pleine de promesse.

On est touchés par l’émotion dégagée par l’interprétation de la clarinettiste Anaïde Apelian dans le deuxième mouvement de la Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc. On y entend un jeu raffiné, tout en intériorité, emportant l’auditeur dans un voyage mélancolique et presque douloureux. Tout en cassures de rythmes, la virtuosité du Bug de Mantovani, plus enfantin et expressionniste, est stupéfiante.

La Basse Alexandre Baldo a déjà une carrière bien installée. En choisissant l’air de Soliman « Sous les pieds d’une femme » extrait de La reine de Saba de Charles Gounod, toute en étirement, langueur et la virtuosité de l’air de Leone extrait du Tamerlano de Haendel, il boucle la quadrature du cercle. La virtuosité baroque du deuxième air semble être plus confortable pour lui que les longues phrases de Gounod où le souffle semble plus court mais qui ont cependant le mérite de souligner la beauté intrinsèque de cette voix aux graves profonds des plus séduisante.

On est frappé par la fluidité et la souplesse du Der Müller und der Bach de Schubert interprétée par le jeune pianiste Tom Carré. Le touché délicat confère une grande puissance d’évocation à la répétition du motif de cette pièce. La Marche et le scherzo de Prokofiev laissent pantois le public devant la virtuosité de ce jeune artiste.

La mezzo-soprano Marion Vergez-Pascal offre une très belle interprétation de la scène des lettres du Werther de Massenet, choix difficile car reposant beaucoup sur le théâtre et le drame qu’elle doit imposer sans mise en scène. La voix est belle, chaude et ronde et le tempérament dramatique certain, cette qualitélui permettant d’offrir plus que de la virtuosité dans l’extrait de la zarzuela de Capi, Las hijas del Zebedo  empreinte de beaucoup de séduction et de sensualité espiègle.

Saluons enfin la prestation de l’accompagnateur de ces artistes, le pianiste Josquin Otal qui jongle avec la variété de ces univers avec une facilité confondante.

Pour clôturer le concert, l’ensemble des solistes se retrouve pour le pétillant final de La Chauve-Souris de Johann Strauss.

Le Winterreise de Schubert par la compagnie « miroir » : un homme et une femme dans un dialogue de la solitude


Le Winterreise (voyage d’hiver ») de Miroirs Étendus est un spectacle, conçu d’après le cycle de Schubert et qui essaye de sortir de la forme habituelle du récital de lied pour baryton dans une adaptation repensée pour deux voix (baryton et mezzo-soprano) dans un écrin de lumière dessinant des espaces, des atmosphères et un dialogue entre un homme et une femme, confrontés à la solitude de l’existence et de son errance.

Le festival du Haut-Limousin en présente ici une sorte de « réduction » avec quelques effets d’éclairages qui nous amènent à surtout nous concentrer sur la grande qualité des interprètes dont le travail n’est pas sans faire penser à ce que Claudio Abbado avait fait au disque avec Anne Sofie Von Otter et Thomas Quastoff. Le pianiste Romain Louveau, directeur artistique de la compagnie, le baryton Jean-Christophe Lanièce et la mezzo-soprano Victoire Bunel interprètent ainsi le questionnement du Wanderer du chef-d’œuvre de Schubert dans une sorte de dialogue intérieur plein d’humanité. Un point commun unit les deux chanteurs : une attention très poussée au texte, avec toujours des intentions et un dramatisme très à propos.

Entendre une mezzo-soprano s’approprier le premier carnet de lieder renouvelle immanquablement leur écoute. Avec sa voix onctueuse aux graves veloutés et aux aigus puissants, Victoire Bunel apporte une mélancolie, une douleur irrépressible et en même temps quelque chose de très réconfortant dans ses interrogations auxquelles répondent celles du baryton Jean-Christophe Lanièce. La voix est naturellement moins surprenante mais sa profondeur (sa noirceur parfois) et la beauté du timbre séduisent d’entrée. Mordant dans les mots, son approche intensément dramatique accroche et captive dans chacune de ses interventions.

Le pianiste Romain Louveau refuse de faire sombrer ce voyage dans une trop complaisante mélancolie. Rien ici n’est trop. Le touché est ferme, la variété des climats finement négociée, et l’intériorité jamais perdue de vue.

Lucile Richardot et Anne de Fornel au service des sœurs Boulanger


Enfin, le concert de clôture est dévolu à la mélodie française et principalement à celles de Nadia et Lili Boulanger que Lucile Richardot et Anne de Fornel défendent avec ferveur depuis qu’elles ont enregistré l’intégrale de leurs mélodies.

Dire que Lucile Richardot en impose relèverait du pléonasme. Pas son humour, sa gouaille et son argumentaire décapant, elle installe d’emblée une complicité avec le public. En expliquant très simplement que dans les salons du début du XXe siècle on saupoudrait les récitals de salon par des mélodies des sœurs Boulanger, au milieu des œuvres de Reynaldo Hahn et Gabriel Fauré mais que cette soirée serait l’occasion de faire l’inverse, la messe est fermement dite.

On a presque l’impression que tous ces poèmes mis en musiques par les sœurs Boulanger, exposant leurs états d’âmes, ont été écrit pour Lucile Richardot, tellement celle-ci se les approprie. Il est peu dire que la mezzo a un tempérament de feu. La voix se distingue par sa beauté et son empreinte, les interprétations intimident par leur expressivité, leur dramatisme, leur profonde et sombre présence. Versailles (calme et douloureux) et Le Couteau (aux limites de la folie) notamment sont des leçons d’atmosphère. On en est naturellement à se demander comment Nadia et Lili Boulanger dont l’histoire (la disparition de la jeune Lili, l’arrêt de la composition par sa sœur qui va devenir, en plus de cheffe d’orchestre, l’une des plus grandes pédagogues du XXe siècle) est égrenée avec humour et distance tout au long du concert par la mezzo, ont pu être à ce point oubliées, tant l’écriture est exigeante (la voix est parfois poussée dans ses retranchements), singulière, expressionniste et parfois même exaltée.

La variété des atmosphères est également portée par Anne de Fornel qui expose un piano voluptueux, aux riches harmonies s’adaptant aux climats et aux enjeux dramatiques avec une belle dextérité.

Crédits photographiques : © Angèle Tachet

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Les talents de l’Adami : Œuvres de Leos Janacek (1854-1928), Henryck Wieniawski (1835-1880), Richard Wagner (1813-1883), Gaspard Cassado (1897-1966), Francis Poulenc (1899-1963), Bruno Mantovani (1974- ). Franz Schubert (1797-1828), Sergeï Prokofiev (1891-1953). Extraits d’opéra de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Charles Gounod (1818-1893), Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Gioacchino Rossini (1792-1868), Jules Massenet (1842-1912), Ruperto Chapi (1851-1909), Johann Strauss (1804-1849).
Winterreise – Voyage d’hiver de Franz Schubert (1797-1828) sur des textes de Wilhelm Müller (traductions d’Antoine Thiollier) : Compagnie « Miroirs étendus ». Direction musicale et piano : Romain Louveau. Jean-Christophe Lanièce, Baryton. Victoire Bunel, mezzo-soprano.
Mélodies françaises par Lucile Richardot et Anne de Fornel: mélodies de Lili Boulanger (1893-1918) et Nadia Boulanger (1887-1979), Gabriel Fauré (1845-1924).

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