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Elias de Mendelssohn : Pygmalion est grand et Degout est son prophète

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Dijon. Auditorium. 14-XII-2023. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Elias op. 70, oratorio en deux parties sur un livret de Julius Schubring. Stéphane Degout, baryton (Elias) ; Siobhan Stagg, soprano (La Veuve/Un Ange) ; Julie Roset, soprano (L’Enfant) ; Ema Nikolovska, contralto (La Reine/ Un Ange) ; Thomas Atkins, ténor (Abdias/Achab). Pygmalion, chœur et orchestre, direction : Raphaël Pichon

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remet sur le métier son interprétation du deuxième oratorio de . L'Elie de reprend du service. Ne manque à l'appel que l'orgue prévu à la création par le compositeur.

Héritier des grandes entreprises chorales de Bach (dont il ressuscita la Passion selon saint Matthieu à Berlin en 1829) et de Haendel (dont il dirigea plus d'un oratorio), Mendelssohn se lança à son tour, de 1836 à 1847, dans une trilogie sacrée : Paulus, Elias, Christus. Si Paulus ne peut dissimuler son allégeance au Cantor de Leipzig, Elias s'inscrit dans la lignée des grandes fresques du Caro Sassone. Les Anglais firent un triomphe aux deux œuvres, faisant même bisser plusieurs numéros d'Elias, lors de la création de 1846 à Birmingham. En France, le plus long des trois oratorios (Christus est resté inachevé) en est encore à s'imposer, la facture autoritaire de ses chœurs généralement marmoréens laissant peu de repos à l'auditeur qui sera enclin à lui préférer le plus mélodiste Paulus. C'est pourtant Elias qui tient généralement aujourd'hui le haut de l'affiche et l'on comprend parfaitement que le chef de Pygmalion a eu envie de se faire une nouvelle fois l'ambassadeur d'un chef-d'œuvre qui exige que l'on donne du temps au temps.

Le CV biblique du prophète Elie est des plus conséquents : avocat de Jehovah, et donc opposant des prêtres païens de Baal comme des thuriféraires d'iceux (le Roi Achab, la Reine Jezabel), capable de ressusciter les morts (le fils de la Veuve qui l'avait recueilli), de mettre fin au réchauffement climatique déclenché par son dieu, de disparaître au regard des hommes en chevauchant un char de feu l'emportant vers le ciel ! Tous ces titres de gloire sont évoqués dans l'oratorio de Mendelssohn dont la première partie, essentiellement événementielle (du genre feux et tonnerres) se dissout dans une seconde, plus théologique.

En Elias, apparaît au sommet d'un art parvenant à faire avaler toutes ces couleuvres bibliques aux croyants, aux agnostiques, et même aux athées… L'autorité, la précision tranchante des interventions sont celles d'un Théo Adam mais le timbre, plus sombre, plus riche en harmoniques, auréole d'humanité un personnage somme toute bien rugueux. Le baryton français occupe le centre du plateau que ses partenaires, relégués sur une estrade à jardin, sont invités à investir le temps de leurs interventions. Faire-valoir de poids, tous dessinent avec une parfaite musicalité une pléthore de rôles épisodiques. On connaît déjà bien le soprano frémissant de apte à illuminer sans affectation Veuve et Ange, et l'on découvre la voix riche en contrastes d' qui gratifie Jezabel de contours maléfiques idoines avant de rejoindre, comme ses partenaires, la cohorte des Séraphins. On est séduit par le ténor ductile de qui réussit sans férir le doublé Abdias/Achab. Cerise sur le gâteau : déverse du premier balcon la grâce stratosphérique de l'Enfant.

Quant à Pygmalion, chœur comme orchestre (une petite centaine de musiciens plutôt que les quatre cents de la création !), on est bien en peine de superlatifs en termes d'engagement, de splendeur sonore, de tempi, de gestion des silences (certain choral comme venu de très loin). Architecte possédé de bout en bout, allie urgence (on gagne un quart d'heure) et lyrisme (chaque numéro est une leçon de chant) jusqu'au crescendo d'un finale qui parvient même à faire taire les quelques réserves d'ordre acoustique que, malgré le mur de bois roux érigé derrière les musiciens, l'on était tenté d'émettre à l'encontre du vaisseau dijonnais (timbales noyées dans la masse, intelligibilité parfois relative du verbe choral). À partir du chœur Aber einer erwacht von Mitternacht, on croit même entendre ronfler l'orgue que Mendelssohn avait prévu pour Elias et qui, ce soir, aura été délaissé au profit d'une phalange invitée à en assumer seule le tellurisme.

Crédit photographique: © Opéra de Dijon

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Dijon. Auditorium. 14-XII-2023. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Elias op. 70, oratorio en deux parties sur un livret de Julius Schubring. Stéphane Degout, baryton (Elias) ; Siobhan Stagg, soprano (La Veuve/Un Ange) ; Julie Roset, soprano (L’Enfant) ; Ema Nikolovska, contralto (La Reine/ Un Ange) ; Thomas Atkins, ténor (Abdias/Achab). Pygmalion, chœur et orchestre, direction : Raphaël Pichon

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