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Au Gstaad New Year Music Festival, un généreux Roberto Alagna

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Saanen. Église. 7-I-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : Torna ai felici di (Le Villi), Orgia chimera (Edgar), Tra voi belle, Donna non vidi mai, Pazzo son, Intermezzo* (Manon Lescaut), Che gelida manina, Scène de Musetta* (La Bohème), E lucevan le stelle (Tosca), Addio, fiorito asil, Duo des fleurs* (Madama Butterfly). Ch’ella mi credo (La Fanciulla del West), Nella dolce carezza* (La Rondine), Nessun dorma (Turandot),. Roberto Alagna (ténor), Morgane Fauchois (piano)

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Dans une église de Saanen comble, délivre un récital musicalement impeccable entièrement dédié à .

Cette édition du Gstaad New Year Music Festival, 18ème du nom, a véritablement mis les petits plats dans les grands en offrant, en l'espace d'une semaine, des récitals d'artistes lyriques dont la liste des noms ferait pâlir d'envie les directeurs des plus grandes scènes lyriques qui ne peuvent les programmer que dans l'espace d'une année. Le ténor Jonathan Tetelman ouvrait les feux, suivi de Sonya Yoncheva, puis d'un duo avec Lisette Oropesa et Ludovic Tézier, de l'étoile montante Fatma Saïd, du baryton Erwin Schrott, de Francesco Meli et Serena Gamberoni. Last but not least, et la pianiste revenaient dans la magnifique église de Saanen, jour pour jour après le récital qu'ils avaient donné l'an dernier au même endroit et où ils avaient mis le feu.

A 60 ans, après 35 ans de carrière, le ténor affiche une forme éblouissante. Physiquement alerte, parfaitement cintré dans une veste de cuir brune aux revers de col noirs, pantalons noirs, la chemise blanche au col très légèrement ouvert, cravate noire, le chanteur a l'allure d'un jeune homme. Avec ce beau sourire aux lèvres, décontracté, Roberto Alagna reste ce personnage au charisme ravageur. S'adressant au public, il le prie de l'excuser d'avance pour ses éventuels manquements car, rentrant à peine des États-Unis, il redoute que les effets du décalage horaire lui jouent de mauvais tours.

Las, dès les premières notes de son Torna ai felici di tiré de l'opéra Le Villi, on se sent rassuré. La voix est là. Puissante, timbrée, juste si on relève l'extrême concentration du chanteur, comme pour vérifier par lui-même si toutes les touches de son instrument fonctionnent. Confiant, il enchaîne avec l'air d'Edgar Orgia, chimera dall'occhio vitreo de l'opéra éponyme. Durant son interprétation, soudain jaillit un son, une note, un accent qui, immédiatement touche l'auditeur au plus profond de son être, remuant son intime, faisant émerger bien malgré soi d'irrésistibles flux d'émotions. Ce sont ces instants-là qui font la différence entre un chanteur et un artiste. On dépasse là, la technique vocale, le savoir-faire, le métier. Ces moments ne sont l'apanage que des plus grands. Chaleureusement applaudi, Roberto Alagna n'est pourtant pas satisfait, il informe le public qu'il a oublié quelques paroles (dont à peu près personne ne s'est rendu compte) et qu'il va refaire l'air. Le pari d'avec le public est gagné. Quand bien même, ce petit moment de grâce de son premier jet ne s'est plus fait entendre, c'est un tonnerre d'applaudissement qui salue le sérieux de l'interprète.

Pendant que le ténor se repose derrière le piano, offre un intermède pianistique avec la Scène de Musetta de La Bohème. L'occasion d'apprécier à sa juste valeur le superbe toucher de la pianiste française qui confirme son talent d'accompagnatrice tout au long du récital du ténor. Capable de pianissimo extrêmes, elle s'affirme en grande musicienne se fondant à l'écoute d'Alagna pour valoriser chaque instants du chant.

Par la suite, Roberto Alagna semble accuser quelques infimes fatigues et les airs de Manon Lescaut, en particulier le fameux Donna non vidi mai, le voit accusant un très léger voile qui, s'il ajoute un certain charme aux mots de la cantilène, laisse percevoir les limites du contrôle de son instrument vocal. Oh, ce ne sont que d'imperceptibles annonces mais, un auditeur attentif ne peut que craindre le couac. La tension ressentie est palpable. On a peur pour lui. Mais Roberto Alagna, en grand professionnel, en homme de courage, en artiste généreux, poursuit son récital sans faillir. Il ira même jusqu'à terminer son Che gelida manina de La Bohème sur un admirable pianissimo. Quand arrive le dernier air au programme, l'incontournable Nessun dorma de Turandot, avec un dernier Vincerò plus arraché qu'amené, on sent Roberto Alagna heureux d'en avoir terminé sans dommage. Avec son admirable accompagnatrice, ils saluent un public aux anges. Il donne encore quatre bis en terminant sa revue des opéras de Puccini avec un risqué Firenze è come un albero fiorito tiré de Gianni Schicchi avertissant le public que l'air (surtout son ultime contre-ut) n'est plus de son âge mais qu'il va l'essayer. Sans garantie, ajoute-t-il. Certes, cette dernière note n'était pas la plus belle qu'on puisse espérer mais avec élégance, et une entendue grimace, Roberto Alagna termine son récital avec un succès mérité.

Crédit photographique : © Patricia Dietzi

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