Plus de détails
Lausanne. Opéra de Lausanne. 5-IX-2014. Jules Massenet (1842-1912) : Manon. Opéra comique en cinq actes sur un livret de Henri Meilhac et Philippe Gille, d’après L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Mise en scène : Arnaud Bernard. Décors : Alessandro Camera. Costumes : Carla Ricotti. Lumières : Patrick Méeüs. Avec Anne-Catherine Gillet, Manon Lescaut ; John Osborn, Le Chevalier des Grieux ; Boris Grappe, Lescaut ; Patrick Bolleire, Le Comte des Grieux ; Thomas Morris, Guillot de Morfontaine ; Marc Mazuir, De Brétigny ; Céline Mellon, Poussette ; Juliette de Banes Gardonne, Javotte ; Camille Merckx, Rosette. Chœur de l’Opéra de Lausanne (chef de chœur : Jacques Blanc) Orchestre de Chambre de Lausanne, direction Jesús López Cobos.
Brillante ouverture de saison à l’Opéra de Lausanne avec le trop rare « Manon » de Jules Massenet. La soprano Anne-Catherine Gillet et le ténor John Osborn forment un couple de rêve dans une intrigue au romantisme exacerbé.
Intelligemment mis en scène par Arnaud Bernard sous l’austérité d’un décor sévère suggérant la réprobation populaire aux excès festifs d’un 18e siècle décadent, cette Manon devrait faire date au dehors même de l’enceinte de l’Opéra de Lausanne.
Quel bonheur d’entendre une voix aussi fruitée que celle d’Anne-Catherine Gillet (Manon). Une voix gorgée de soleil, avec le rouge et le jaune d’un fruit d’été, un fruit qu’on a envie de croquer à pleines dents. Avec cette prise de rôle, la soprano belge confirme au-delà du bien qu’on en avait dit lors de sa Blanche de la Force des « Dialogues des Carmélites » à Avignon en 2011 ou cette année de sa Leïla des « Pêcheurs de perles » à Angers. La maturité éclatante de sa voix d’aujourd’hui, la simplicité du discours vocal, l’impeccable diction, le français admirablement chanté, les aigus solaires, le registre médium ample et le vibrato court donnent à la Manon d’Anne-Catherine Gillet une authenticité de ton entre insouciance et passion en symbiose totale avec le personnage voulu par Massenet. Dès lors, comment ne pas tomber sous le charme de cette jeune fille?
C’est ce à quoi succombe le ténor américain John Osborn (Le Chevalier des Grieux) dont la générosité vocale fait merveille. La présence électrisante d’Anne-Catherine Gillet et la musique de Massenet lui donne des ailes. Soignant la difficile diction de la langue française, il fait sien le texte et ses subtilités de langage. Un tel engagement conduit inexorablement vers des sommets artistiques, sommets que les deux protagonistes principaux rejoignent lorsque Manon détourne Des Grieux des ordres où il s’était réfugié pour oublier sa déconvenue amoureuse. Cette scène offre aux deux chanteurs de dépasser les limites de leurs sentiments. Seuls, sur une scène vidée de tous accessoires, dominés par l’environnement des silhouettes de noirs personnages peintes sur un mur gris entourant tout le plateau, leur duo « N’est-ce plus ma main que cette main presse… » est bouleversant. Il faut le talent de ces deux artistes pour que ce dépouillement scénique soit reçu avec une telle plénitude d’émotion.
Aussi magnifiques soient-ils, la réussite du spectacle ne repose bien évidemment pas uniquement sur ces deux chanteurs. S’ils potentialisent les autres protagonistes, ils se surpassent aussi. Dans cette grande famille aux enjeux divers entourant l’intrigue de Manon, la belle voix de baryton et l’aisance théâtrale de Boris Grappe (Lescaut) occupent la scène avec brio. Marc Mazuir (De Brétigny) soigne son personnage et ses deux duos avec Manon sont intelligents de finesse. De son côté, Patrick Bolleire (Le Comte des Grieux) est impressionnant d’autorité vocale, alors que Thomas Morris (Guillot) campe avec talent ce personnage fat et ridicule.
Tout ce beau monde se meut avec dynamisme grâce à la direction d’acteurs empreinte de beaucoup de simplicité et la mise en scène d’Arnaud Bernard dont on avait déjà aimé le Falstaff de 2012 à Lausanne. Pour favoriser la fluidité du discours scénique des protagonistes, Arnaud Bernard propose au Chœur de l’Opéra de Lausanne (d’ailleurs excellent) plusieurs saisissants « arrêts sur image » du plus bel effet (on dirait des peintures de Watteau). Un claquement de main rompt leur silence pour reprendre le chant un instant délaissé. En outre, un dispositif de panneaux coulissants d’un bord à l’autre de la scène permet un découpage subtil de scènes qui, sans eux, auraient du être interrompues par un baisser de rideau. Ainsi, par exemple, un panneau coupant la scène en trois espaces permets au duo De Brétigny et de Manon d’être mieux audible alors que dans le même temps se déroule de l’autre côté du plateau celui de Lescaut et de Des Grieux.
Dans la fosse, la baguette de Jesús López Cobos fait merveille devant un Orchestre de Chambre de Lausanne enthousiaste qui retrouve son chef titulaire de 1990 à 1998. En définitive, un spectacle en tous points réussi grâce à la potentialisation de tous les éléments constitutifs de cette entreprise.Un grand bravo à l’Opéra de Lausanne pour avoir si bien choisi les protagonistes de ce spectacle pour en faire un écrin de bonheur que les spectateurs ont ovationné.
Crédit photographique : Anne-Catherine Gillet (Manon) © Marc Vanappelghem
Plus de détails
Lausanne. Opéra de Lausanne. 5-IX-2014. Jules Massenet (1842-1912) : Manon. Opéra comique en cinq actes sur un livret de Henri Meilhac et Philippe Gille, d’après L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Mise en scène : Arnaud Bernard. Décors : Alessandro Camera. Costumes : Carla Ricotti. Lumières : Patrick Méeüs. Avec Anne-Catherine Gillet, Manon Lescaut ; John Osborn, Le Chevalier des Grieux ; Boris Grappe, Lescaut ; Patrick Bolleire, Le Comte des Grieux ; Thomas Morris, Guillot de Morfontaine ; Marc Mazuir, De Brétigny ; Céline Mellon, Poussette ; Juliette de Banes Gardonne, Javotte ; Camille Merckx, Rosette. Chœur de l’Opéra de Lausanne (chef de chœur : Jacques Blanc) Orchestre de Chambre de Lausanne, direction Jesús López Cobos.