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Sulfureuse Manon de Massenet à l’Opéra de Bordeaux

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Bordeaux. Grand-Théâtre. 13-IV-2019. Jules Massenet (1842-1912) : Manon, opéra en cinq actes sur un livret de Henri Meilhac ; Philippe Gille, d’après L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l’Abbé Prévost. Mise en scène : Olivier Py. Assistant mise en scène et chorégraphie : Daniel Izzo ; Assistante scénographie : Matthieu Crescence ; Décors et costumes : Pierre-André Weitz. Assistante costumes : Nathalie Bègue. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Nadine Sierra, Manon ; Benjamin Bernheim, Chevalier des Grieux ; Alexandre Duhamel, Lescaut ; Damien Bigourdan, Guillot de Mortfontaine ; Laurent Alvaro, Comte des Grieux ; Philippe Estèphe, Monsieur de Brétigny ; Olivia Doray, Poussette ; Adèle Charvet, Javotte ; Marion Lebègue, Rosette ; Antoine Foulon, L’Hôtelier. Chœur de l’Opéra National de Bordeaux (chef de chœur : Salvatore Caputo). Orchestre National de Bordeaux Aquitaine, direction musicale : Marc Minkowski

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Créée à Genève, la mise en scène sulfureuse d' pour Manon de Massenet offre à l'Opéra de Bordeaux les prises de rôles de la sublime et du splendide , sous la direction dynamisante de .

Patricia Petibon avait créé en 2016 à Genève la production qu'elle reprend cette saison en mai à l'Opéra-Comique. Entre temps, la Manon de Py s'installe à Bordeaux, où elle offre un duo de rêve.

Le rideau s'ouvre sur une rue en brique faite de maisons de passe aux néons exotiques et flashy, difficiles à rapprocher d'une artère d'Amiens. Le décor volontairement diabolique de permet à Py de traiter l'histoire avec sérieux, tout en gardant son style clivant. Une caravane de prostituées à dos d'hommes entre donc pendant l'ouverture, femmes aux seins nues du ballet, excellentes ensuite lors des chorégraphies et des scènes de groupes, qui font fuir déjà quelques spectateurs, tandis qu'un père attentionné attendra la scène des amoureux torse-nu, en ouverture de l'acte II, pour protéger sa famille et quitter la salle avec femmes et filles. Le reste du public montre plus de calme face à cette proposition, voire un véritable intérêt. Car bien qu'il utilise ses habituelles images d'hommes et femmes dénudées et scènes d'orgies, traitées depuis plus de quinze ans et magnifiées par son Venusberg du Tannhäuser de Genève, encore provocantes récemment pour son enfer du Prophète à Berlin, le caractère sulfureux souvent reproché à Py correspond cette fois au scandale provoqué par le livre de l'abbé Prévost lors de sa parution.

manon bordeaux cc Eric bouloumié

Déjà célèbre pour sa Gilda au contre-mi bémol si facile, dévoile sa ligne de chant aussi agile qu'un physique à rendre amoureux tous ses partenaires. La production lui procure l'écrin parfait pour jouer de ses formes, souvent à demi-nue de dos ou en nuisette pour porter une Manon perdue au milieu des prostituées. Le timbre relativement sombre dans le médium développe un français toujours compréhensible, pour un premier air, « Je suis encor tout étourdie », tout en naïveté. Splendide ensuite en duo avec Des Grieux, elle développe la sensibilité d' »Adieu, notre petite table » et la gracilité de l'aigu lors de la Gavotte, avant de sublimer sa mort sous une pluie d'étoile dans les bras de son amant. prend lui aussi son rôle et offre une prestation de référence, dès son injonction « En fermant les yeux » lors du Rêve. Revenu en habit de prêtre, on comprend devant qu'il ne parvienne à faire fuir sa douce image, avec un air d'une splendide intériorité à l'acte III, avant d'accompagner Manon jusqu'à la mort pour une intense scène finale.

développe un Lescaut dynamique, magnifiquement projeté en plus de présenter un timbre particulièrement beau sur tout le registre médium. La profondeur des graves donne du poids au Comte de , là où cherchait déjà à toucher par sa belle couleur pour camper un Monsieur de Brétigny raffiné. surjoue son texte parlé en voix de fausset dans le rôle caricaturé de Guillot de Mortfontaine, pour trouver un chant plein plus agréable. Les trois femmes reviennent à trois jeunes artistes françaises aux tessitures bien différenciées, de la pétillante soprano pour Poussette à l'alto guillerette de pour Rosette, en passant par la sémillante Javotte de la mezzo . Antoine Foulon en Hôtelier complète une distribution parfaitement agencée par l'Opéra de Bordeaux, également remarquable pour son Chœur : qu'il s'agisse de porter les scènes de fêtes ou de paroisses, celui-ci est admirable tant chez les hommes que chez les femmes.

Le spectacle ne pourrait cependant trouver toute sa force s'il n'était traité sans finesse en fosse, or hormis le fait d'appuyer un peu trop à la mesure, le directeur musical développe toutes les scènes, tant par leur subtilité que par la mise en avant des qualités et subtilités symphoniques de la partition. Des bois se démarquent, avant tout le premier basson et la flûte solo, là où les cordes graves parviennent à assombrir comme il le faut la scène d'église puis le finale, traité avec affection par le chef, alors que les premiers actes gagnaient à être systématiquement dynamisée par cette battue.

Crédits Photographiques : © Éric Bouloumié

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Bordeaux. Grand-Théâtre. 13-IV-2019. Jules Massenet (1842-1912) : Manon, opéra en cinq actes sur un livret de Henri Meilhac ; Philippe Gille, d’après L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l’Abbé Prévost. Mise en scène : Olivier Py. Assistant mise en scène et chorégraphie : Daniel Izzo ; Assistante scénographie : Matthieu Crescence ; Décors et costumes : Pierre-André Weitz. Assistante costumes : Nathalie Bègue. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Nadine Sierra, Manon ; Benjamin Bernheim, Chevalier des Grieux ; Alexandre Duhamel, Lescaut ; Damien Bigourdan, Guillot de Mortfontaine ; Laurent Alvaro, Comte des Grieux ; Philippe Estèphe, Monsieur de Brétigny ; Olivia Doray, Poussette ; Adèle Charvet, Javotte ; Marion Lebègue, Rosette ; Antoine Foulon, L’Hôtelier. Chœur de l’Opéra National de Bordeaux (chef de chœur : Salvatore Caputo). Orchestre National de Bordeaux Aquitaine, direction musicale : Marc Minkowski

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