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Le Chant de la Terre à Stuttgart, retour sur le temps du Covid

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Stuttgart. Opernhaus. 24-VI-2023. Elfriede Jelinek (née en 1946) : Die Bienenkönige (Les rois des abeilles) ; Gustav Mahler (1860-1911) : Das Lied von der Erde, version de chambre d’Arnold Schönberg et Rainer Riehn. Mise en scène : David Hermann ; décor : Jo Schramm ; costumes : Claudia Irro, Bettina Werner. Avec : Simone Schneider, Diana Haller, sopranos ; Gerhard Siegel, ténor ; Martin Gantner, baryton ; Sophia Mercedes Burtscher, actrice ; membres du Staatsoper Stuttgart ; direction : Killian Farrell

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Soirée de circonstance, le spectacle de témoigne avec émotion d'un temps d'incertitude.

Ce n'est pas si loin, on l'a presque déjà oublié : le spectacle présenté pour ouvrir l'été à Stuttgart a été créé en 2020, dans des circonstances difficiles. C'est bien autre chose qui était prévu alors : une nouvelle production de l'ample et exigeante Femme sans ombre de Strauss, production qui verra finalement le jour à l'automne 2023. À défaut, le metteur en scène et son décorateur Jo Schramm ont monté comme ils l'ont pu ce spectacle de circonstance qui est donné ici pour la dernière fois : son décor est adapté de celui prévu pour La femme sans ombre, dans l'état où l'avait laissé la pandémie, et il faudra bien l'achever pour cette nouvelle production.

L'effectif du spectacle est bien un effectif Covid : quatre chanteurs, une actrice, et seize musiciens dans la fosse pour la transcription inachevée de Schönberg, complétée beaucoup plus tard et pas vraiment au niveau des meilleures transcriptions réalisées par lui et ses élèves. Quatre chanteurs, dont trois seront sur scène dans La Femme sans ombre, et non les deux demandés par la partition : dans cette courte soirée hors norme, cette petite liberté est compréhensible. La soirée commence par un texte parlé, Les rois des abeilles, écrit en 1976 par Elfriede Jelinek : moins radical que beaucoup d'autres de ses textes, il est d'une prescience remarquable sur la catastrophe écologique en cours. Un être supérieur vient explorer les restes de la vie sur une petite planète idiote, la Terre – « cette planète avait prévu depuis longtemps ce qui allait lui arriver si elle continuait comme ça. » Il finit par découvrir quatre spécimens enfouis dans leurs propres protections en plastique indéchirables, où ils mènent la vie des survivants de toutes les catastrophes, en haillons, sans que des liens très forts ne semblent les unir, sinon celui de l'habitude. Chacun semble laissé à lui-même, et les chanteurs (pas tous présents à la création du spectacle) jouent avec engagement cette situation d'abandon, où chacun a épuisé toutes les ressources de la vie intérieure.

Les poèmes chinois mis en musique par Mahler sont alors chargés d'exprimer les émotions de ces oubliés d'un monde disparu : l'éclairage nouveau que cela apporte sur les textes n'est pas sans intérêt, et les émotions successives des différents Lieder, jusqu'à la résignation finale, donnent aux personnages une réelle humanité.

Des quatre chanteurs, c'est sans doute qui parvient le plus à émouvoir, notamment dans la partie centrale du dernier Lied, mais , récente Brünnhilde de Siegfried, a une présence singulière, bienveillante et désabusée, d'une grande tristesse. , ténor toujours peu connu du grand public mais toujours d'une grande force, alterne efficacement entre exaltation alcoolisée et visions plus contemplatives, et fait usage de sa belle voix sombre pour compléter ce paysage sonore.

Le spectacle, c'est certain, porte la marque du temps où il a été créé, et il ne serait pas pertinent de le garder éternellement au répertoire, mais il apparaît aujourd'hui comme un témoignage émouvant d'une période étrange de notre récente histoire collective.

Photos : © Matthias Baus

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Stuttgart. Opernhaus. 24-VI-2023. Elfriede Jelinek (née en 1946) : Die Bienenkönige (Les rois des abeilles) ; Gustav Mahler (1860-1911) : Das Lied von der Erde, version de chambre d’Arnold Schönberg et Rainer Riehn. Mise en scène : David Hermann ; décor : Jo Schramm ; costumes : Claudia Irro, Bettina Werner. Avec : Simone Schneider, Diana Haller, sopranos ; Gerhard Siegel, ténor ; Martin Gantner, baryton ; Sophia Mercedes Burtscher, actrice ; membres du Staatsoper Stuttgart ; direction : Killian Farrell

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