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À Verbier, Bryn Terfel meilleur au théâtre qu’au chant

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Verbier. Église. 21-VII-2023. Gerald Raphael Finzi (1901-1956) : Let us Garlands bring. Benjamin Britten (1913-1976) : Cinquième mouvement de la Suite pour harpe op. 83. Johannes Brahms (1833-1897) : Vier ernste Gesänge op.121. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : On the Massacre of Glencoe (extrait de 25 Irish songs WoO 152, de 26 Welsh songs WoO 155, de 25 Scottish songs op. 108). Jesús Guridi (1886-1961) : Viejo Zortzico. Claude Debussy (1862-1918) : Nuit d’étoiles. Robert Schumann (1810-1856) : Mein schöner Stern (extrait de Minnespiel op. 101). Ralph Vaughan Williams (1872-1956) : Infinite shining heavens (extrait de Songs of travel ). Ivor Novello (1893-1951) : I can give you the starlight. John Jacob Niles (1892-1980) : I wonder as I wander. Claude-Michel Schönberg (1944) : Stars (extrait des Misérables). Bryn Terfel, baryton-basse. Hanna Stone, harpe. Daniil Trifonov, piano.

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Dans l'intimité de l'église de Verbier, le Festival proposait une alléchante affiche avec le baryton-basse et le pianiste réunis dans un même récital.

Après la décevante prestation du baryton-basse dans le Requiem de Verdi donné quelques jours auparavant, on pouvait espérer que brillerait dans un récital qu'il aurait construit à la mesure de ses capacités actuelles. Mais il fallut bien vite déchanter. Si le baryton gallois apparait bien préparé, il ne possède malheureusement plus les moyens vocaux aptes à offrir un chant en harmonie avec les besoins des œuvres de son programme. Ainsi lorsqu'il entame le très beau cycle Let us Garlands bring op. 18 composé par Gerald Finzi sur des textes de William Shakespeare, on note que si la puissance, la projection, la diction restent d'une exceptionnelle qualité, le chant est devenu rude, heurté, ne laissant que peu de place au lyrisme de couplets comme Who is Sylvia ?, chant d'amour s'il en est. On lui connaissait la version enregistrée en 1995 avec l'accompagnement du pianiste Malcolm Martineau. Malheureusement, le charismatique personnage d'alors a perdu beaucoup de la substance de son chant. Pour exemple, avec la perte d'une partie des couleurs de sa voix, on peine à reconnaître les deux personnages qui dialoguent dans Fear no more the heat o' the sun.

Dans les Vier ernste Gesänge de , replonge dans les mêmes impasses liées à l'usure des ans, usure bien compréhensible pour un chanteur en scène depuis plus de trente ans durant lesquelles il n'a jamais ménagé son engagement. Moins à l'aise avec la prononciation allemande qu'avec celle de la langue anglaise, le texte perd de sa consistance, alimenté qu'il est par un chant manquant sensiblement de legato.

En seconde partie de ce récital, dès son entrée en scène, on sent le chanteur comme libéré du poids de sa première partie empreinte de sérieux, de conscient, voir de rébarbatif. A l'image de ce cinquième mouvement de la Suite pour harpe op. 83 de avec Hannah Stone à la harpe – peu captivante – laissant plus l'impression d'une improvisation que d'une réelle composition musicale.

Avec les extraits du On the massacre of Glencoe de Beethoven, Bryn Terfel semble renaître. Est-ce la musique plus mélodieuse, plus enjôleuse, plus vivante de Beethoven par rapport aux austères « chants sérieux » de Brahms ? Sont-ce les mots de l'esprit irlandais, gallois ou écossais qui meublent ces mélodies ? Reste que le chant de Bryn Terfel soudain s'anime. On retrouve alors de la joie, de la lumière, du pétillant dans son chant. Bien sûr, restent ses excès. Il chante fort de peur qu'un mezza-voce lui échappe, qu'un passage de voix de poitrine à voix de tête déraille. Puis brusquement, il chante pianissimo, imperceptible susurrement pour donner un effet plutôt que pour souligner un mot, une intention littéraire. Bryn Terfel « triche » avec métier, avec talent et le sourire aux lèvres. Dans ces mélodies, l'esprit bon enfant fuse. Agréablement, il nous donne l'impression qu'on est dans un pub et qu'un des hôtes, plus joyeusement ivre que ses amis, raconte en chantant, les histoires de son pays. Dans ce registre, le baryton gallois excelle. Émerge alors, l'acteur au talent incomparable. En quelques gestes, ouvrant un bras, lançant une main, écarquillant les yeux, tournant brusquement la tête, tout son discours prend vie.

Avec une Nuit d'étoiles de pas très convaincante, sans trop se préoccuper d'un quelconque fil rouge à son récital, le baryton-basse remplit sa prestation avec des airs ayant peu de rapport les uns avec les autres. Ainsi, un chant de Noël (I wonder as I wander) précède un long extrait de la comédie musicale Les Misérables où Bryn Terfel peut laisser aller la puissance de son instrument dans une mélodie populaire en passe de devenir un classique des récitals.

De ce récital assez décousu, sans grands moments, soulignons l'accompagnement de luxe fourni par le pianiste . Quand bien même celui-ci a peu de place pour briller, son accompagnement se révèle d'une musicalité hors norme. Dosant à merveille ses interventions, soignant ses contrechants avec délicatesse, le pianiste russe affirme son incontestable talent d'accompagnateur. On se régale tant à son écoute qu'on espère même que le chant s'interrompe pour goûter aux perles de son piano.

Crédit photographique : © Jacques Schmitt

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Verbier. Église. 21-VII-2023. Gerald Raphael Finzi (1901-1956) : Let us Garlands bring. Benjamin Britten (1913-1976) : Cinquième mouvement de la Suite pour harpe op. 83. Johannes Brahms (1833-1897) : Vier ernste Gesänge op.121. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : On the Massacre of Glencoe (extrait de 25 Irish songs WoO 152, de 26 Welsh songs WoO 155, de 25 Scottish songs op. 108). Jesús Guridi (1886-1961) : Viejo Zortzico. Claude Debussy (1862-1918) : Nuit d’étoiles. Robert Schumann (1810-1856) : Mein schöner Stern (extrait de Minnespiel op. 101). Ralph Vaughan Williams (1872-1956) : Infinite shining heavens (extrait de Songs of travel ). Ivor Novello (1893-1951) : I can give you the starlight. John Jacob Niles (1892-1980) : I wonder as I wander. Claude-Michel Schönberg (1944) : Stars (extrait des Misérables). Bryn Terfel, baryton-basse. Hanna Stone, harpe. Daniil Trifonov, piano.

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