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Tristes troisième et quatrième concerti pour piano de Beethoven par Leonskaja et Sokhiev

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concertos pour piano et orchestre n° 4 en sol majeur, opus 58 et n° 3 en ut mineur opus 37. Elisabeth Leonskaja, piano ; Orchestre national du Capitole de Toulouse, direction : Tugan Sokhiev. 1 CD Warner Classics. Enregistré à la Halle aux grains de Toulouse, en septembre 2017 et en janvier 2018. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 72:44

 
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et sont réunis pour ce disque, couplage désormais classique des troisième et quatrième concertos pour piano et orchestre de Beethoven : une affiche prometteuse pour un résultat musical au final bien décevant.

Depuis une vingtaine d'années, bien des pianistes de premier plan ont apporté au disque leur vision du cycle concertant beethovénien de manière souvent prospective et enthousiasmante, soit en dirigeant l'orchestre eux-mêmes depuis le clavier (Leif Ove Andsnes chez Sony, et surtout le regretté chez Ondine) soit partageant leur conception avec un chef d'orchestre sensible à un certain renouveau conceptuel (Yegeny Sudbin avec Osmo Vanskä chez Bis, avec chez Alpha, sans oublier la super-intégrale de Michaël Korstick en compagnie de Constatin Trinks parue récemment chez CPO, pour ne citer qu'eux…).

On s'attend bien sûr aujourd'hui à une vision plus classique et moins aventureuse de la part d' ; la pianiste, surtout connue pour ses Schubert, Brahms, Liszt ou Chopin n'a que peu fréquenté Beethoven au disque – ou même au concert – et n'avait gravé, et de manière fort probante, jusqu'à présent que les trois ultimes sonates – pour MD+G . C'est dire si son interprétation – longtemps rodée en concert – était attendue avec impatience et intérêt, la soliste décrivant de surcroît, si l'on en croit le revers de la pochette, Tugian Sokhiev comme « l'un de ses partenaires chefs d'orchestre favoris actuels ».

Il faut hélas vite déchanter : l'allegro moderato initial du Concerto n° 4 opus 58, ouvrant le présent disque, nous révèle une soliste certes très en doigts, mais presque raide, et assez indifférente de ton et de style face aux méandres du discours musical beethovénien : on cherchera en vain les spacieuses perspectives sonores très ouvragées qu'y glissait un – pour rester dans la sphère culturelle et musicale de l'ex- URSS- splendidement secondé par un très concerné (Warner).

Pourquoi cette échelle de nuances bien rabotée, ces phrasés prosaïques, notamment tout au fil du développement ? Pourquoi être, à ce point, rétive à toute intégration à la masse orchestrale ou faire montre d'une approche si terne et convenue au fil des échanges avec les cordes – peu cohérentes – ou des dialogues avec la petite harmonie – bien somnolente ? La cadence (l'originale de Beethoven) ne déploie jamais ses ailes et s'étire désespérément en longueur. La pianiste est peu aidée par un protocolaire et approximatif à la tête d'un Orchestre du Capitole de Toulouse en totale méforme, et moins encore par une prise de son opaque, dure et gercée plaçant son instrument bien trop à l'avant-plan. L'andante con moto si pathétique où soliste et orchestre devraient mutuellement s'apprivoiser les renvoie ici dos à dos. Seul le final, rondo (pas vraiment) vivace échappe quelque peu à la morosité ambiante au fil de ses joviaux couplets et refrains, mais c'est bien peu pour sauver une interprétation qui vire souvent au naufrage.

L'opus 37 qui fait suite est juste un peu plus convaincant, ne serait-ce déjà que par une prise de son différente et plus aérée, et une phalange toulousaine plus cohérente. Sokhiev mène la longue introduction orchestrale certes avec vigueur, mais non sans quelque brutalité, loin de tout lointain souvenir classique mozartien (celui du Concerto n° 24 probablement inspirateur). Certes, la pianiste nous apparaît au fil de cet épique premier temps davantage concernée par un engagement plus instinctif et roboratif, mais semble, derechef, à la recherche d'une poésie qui se dérobe tout au long d'un Largo, à la limite de la minauderie en sa section centrale. Le Rondo final se révèle assez routinier, sans ce sentiment ambivalent d'une tragi-comédie quasi shakespearienne au fil de ses divers épisodes et des diverses mutations thématiques : la coda s'étiole, juste brillante, insouciante, nous laissant sur notre faim. Inutile de chercher dans cette version la hauteur de vue aquiline que mettait, voici plus ou moins un demi-siècle, dans cette œuvre ambivalente et passionnante, toujours dans la même école d'interprétation, un Sviatoslav Richer tant avec (DGG) qu'avec le tout jeune Riccardo Muti (Warner).

Bref voilà un très inhabituel faux pas pour une très grande dame du piano et, hélas !, un disque bien inutile au sein d'une discographie pléthorique, bouleversée ces temps derniers par les apports des plus jeunes générations.

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concertos pour piano et orchestre n° 4 en sol majeur, opus 58 et n° 3 en ut mineur opus 37. Elisabeth Leonskaja, piano ; Orchestre national du Capitole de Toulouse, direction : Tugan Sokhiev. 1 CD Warner Classics. Enregistré à la Halle aux grains de Toulouse, en septembre 2017 et en janvier 2018. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Durée : 72:44

 
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