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Avec La Princesse de Trébizonde, Offenbach, c’est toujours du champagne

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Jacques Offenbach (1819-1880) : La Princesse de Trébizonde, opéra-bouffe sur un livret de Charles Nuittier et Etienne Tréfeu. Version parisienne du 7 décembre 1869, édition Jean-Christophe Keck, avec compléments de la version du 31 juillet 1869, Baden-Baden. Anne-Catherine Gillet, soprano (Zanetta) ; Virginie Verrez, mezzo-soprano (prince Raphaël) ; Antoinette Dennefeld, mezzo-soprano (Regina) ; Katia Ledoux, mezzo-soprano (Paola) ; Christophe Gay, baryton (Cabriolo) ; Josh Lovell, ténor (prince Casimir) ; Christophe Mortagne, ténor (Tremolini) ; Loïc Félix, ténor (Sparadrap et le directeur de loterie) ; Opera Rara Chorus ; London Philarmonic Orchestra, direction : Paul Daniel. 2 CD Opera Rara. Enregistrés en septembre 2022 au Henry Wood Hall, Londres, Royaume-Uni. Notice de présentation : argument donné en français, allemand, italien, anglais ; présentation de JC Keck en anglais ; livret fourni avec traduction en anglais. Durée totale : 121:07

 
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Que faut-il faire de ces bluettes d'Offenbach, dont La Princesse de Trébizonde, avec des intriques aussi désuètes ? Simplement les prendre pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire pour une excellente musique, fine et rafraîchissante.

Il y a un problème avec . D'où vient qu'un compositeur aussi productif et aussi célèbre soit finalement aussi mal connu ? Certaines œuvres sont jouées souvent et partout, alors que d'autres écrites à la même époque semblent impossible à exhumer, à part quelques rares tentatives sporadiques (Le Voyage dans la lune…). Il semble qu'on ne sache pas quoi faire de nos jours du Château à Toto, de Vert-vert, de La Diva, pourtant écrits entre La Grande Duchesse de Gerolstein, La Périchole et Les Brigands. La Princesse de Trébizonde est un exemple typique de ce paradoxe : tombée dans un presque oubli, malgré une représentation en 2013 à Saint-Étienne, et un vif succès à sa création, l'œuvre n'intéresse plus le public, et on peut le comprendre. Le livret est malheureusement dénué de tout intérêt : cette histoire de forains qui gagnent un château à la loterie, de poupée de cire qui perd son nez, de prince incognito et d'amoureux travesti pouvait divertir les familles de 1869, mais désormais, ennuierait nos enfants les moins exigeants. Certes, il y a du mouvement, de la bonne humeur, mais on n'y brocarde ni l'histoire de France (comme dans Geneviève de Brabant) ni la mythologie grecque, et on chercherait en vain un peu de critique politique. Tout au plus, un peu d'ironie sociale, comme par exemple dans le désopilant duo de l'enlèvement « Viens, je te promets la misère ».

Pourtant, sur cette histoire invertébrée et ces vers de mirliton (non, ce ne sont pas Meilhac et Halévy…), Offenbach écrit une musique qu'on a envie de qualifier de géniale, et qui est en tout cas d'aussi bonne inspiration que ses œuvres les plus célèbres. Le « petit Mozart des Champs-Élysées » (Rossini dixit…) ne peut s'empêcher de faire de la musique charmante, ni non plus de singer les opéras. Tout comme la délicieuse Ariette du mal de dents sert de prétexte à se moquer des vocalises opératiques, l'« Adieu, baraque héréditaire » n'a pas d'autre but que de faire rire la salle aux dépens de Rossini. Ce qui ne l'empêche pas d'être bon. Le solo de violon de l'entracte du II est tout simplement magnifique, comme tous les solos de violon d'Offenbach. Le Chœur des chasseurs a fière allure, son rythme et ses couleurs évoquent efficacement celles du Freischütz de Weber. Chaque morceau fait penser à quelque chose que nous connaissons, mais tout est beau et nouveau pour celui qui découvre cet « opéra-bouffe » : airs, ronde, galop, couplets et duos d'amour, tout est de la meilleure eau, ou plutôt, du plus fin champagne, parfumé et pétillant. Après Trébizonde, c'est encore Trébizonde, puisqu'après la version du 7 décembre 1869 retenue ici (édition restaurée par Jean-Christophe Keck), on nous gratifie en bonus des numéros créés à Baden-Baden le 31 juillet, mais coupés pour la création à Paris, bien qu'ils fussent excellents, dont un savoureux Trio du melon.

Le chef a bien compris que ce disque doit pouvoir s'écouter in extenso pour le seul plaisir de la musique, et a raccourci les dialogues au strict minimum. La verve qu'il insuffle aux musiciens est parfaite : enlevée mais parfaitement lisible, cette Princesse de Trébizonde s'écoute dans un plaisir continu et sans tunnel. Le est excellent, et l' s'amuse bien, tout en étant parfaitement rigoureux. Les solistes forment une équipe entièrement francophone (ou presque), homogène, soudée, où personne ne cabotine de trop. en Zanetta rayonne de charme et de simplicité. est un peu tendue dans les aigus, mais reste très convaincante dans le rôle du prince Raphaël. en Regina et en Paola sont parfaites. Elles ont les partenaires qu'elles méritent avec , très bon Cabriolo, et en Tremolini. fait un prince Casimir ridicule à souhait, mais parfaitement bien chantant. Jouées aussi finement et avec goût, on veut bien entendre toutes les « petites » pièces d'Offenbach qu'on ne connait pas ! Malgré des efforts récents, il en reste beaucoup.

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