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CavPag, entre fiction et réalité à Bastille

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Paris. Opéra Bastille. 17-IV-2012. Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria rusticana, melodramma en un acte sur un livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci. Avec : Violeta Urmana, Santuzza ; Marcello Giordani, Turiddu ; Stefania Toczyska, Lucia ; Franck Ferrari, Alfio ; Nicole Piccolomini, Lola. Ruggero Leoncavallo (1858-1919) : I Pagliacci, opéra en deux actes sur un livret du compositeur. Avec : Brigitta Kele, Nedda ; Vladimir Galouzine, Canio ; Sergey Murzaev, Tonio ; Florian Laconi, Beppe ; Tassis Christoyannis, Silvio. Mise en scène : Giancarlo Del Monaco. Décors : Johannes Leiacker. Costumes : Birgit Wentsch. Lumières : Vinicio Cheli. Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’Enfants de l’Opéra national de Paris (chef de chœur : Patrick-Marie Aubert), direction : Daniel Oren

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Cavalleria rusticana et I Pagliacci sont deux opéras qui occupent une place à part dans le répertoire italien ne serait-ce que par leur construction dramaturgique basée sur une solution de méta-théâtre (théâtre dans le théâtre).

S'appuyant sur cette logique de représentation, la mise en scène a été caractérisée par un élément nouveau et tout à fait atypique : le prologue de Pagliacci infiltré dans le Prélude de Cavalleria a ouvert le projet théâtral conçu comme un unicuum d'histoires tourmentées. La simplicité étonnante de la vie quotidienne du sud de l'Italie caractérisée par rite et rituels choraux, par des scènes de foule est bouleversée par l'excès d'amour qui se transforme d'abord en jalousie, ensuite en passion violente, enfin en crime amoureux. Une subtile ligne rouge sépare la fiction de la réalité, le rire des larmes, l'ironique du tragique. La musique avec ses insertions de mélodies populaires, un lyrisme extraordinairement italien apte à provoquer des fortes émotions, est dans les deux opéras la véritable clé de la dramaturgie.

Le rideau se lève sur une scène déserte, des rochers qui voudrait probablement rappeler l'aspect sauvage de la Sicilefin XIXème. Une siciliana chantée en coulisse par Turiddu plonge immédiatement le spectateur dans une atmosphère à la fois sereine et lyrique qui sera bientôt interrompu par la lamentation de Santuzza.

L'orchestre joue, tout au long de l'opéra un rôle de premier plan. La direction très inspirée et énergique de rend le prélude déjà très chargé d'un point de vue émotif. La puissance et l'éloquence de la musique est soulignée par de rapides changements des nuances et de volumes sonores. Ces contrastes expriment le charme, la violence, le rêve, en un mot la réalité contradictoire de cette région d'Italie. Tout est joué sur un crescendo orchestral qui culmine dans le cri final du crime amoureux.

Les protagonistes Santuzza et Turiddu expriment leur maîtrise du chant dans les romances : « Voi lo sapete o mamma » et « Mamma quel vino è generoso ». La romance de dans le rôle du personnage féminin est fort dramatique. Sa lamentation forgée sur l'honneur et les larmes « Io piango » est renforcée par la réplique très émouvante de Mamma Lucia, . Le lyrisme de Santuzza contraste avec la légèreté du chant de Lola qui n'est que l'objet du désir de deux hommes.

La romance très inspirée de Turiddu illustre de manière originale et par moment drôle les vapeurs de l'alcool. L'appelle à la mamma est probablement le moment le plus réussi de l'opéra : charge le chant d'un certain pathétisme qui reste en ligne avec le personnage ; sa diction est parfaite, son articulation très claire. Mais la force de l'accompagnement orchestral l'emporte sur le chant : le multiples pianissimi du final créent une tension exceptionnelle qui seul les cris violents de Santuzza annonçant la mort de Turiddu peuvent briser mettant fin à la tragédie.

La même suggestion sonore et l'intensité des scènes chorales caractérisent I Pagliacci. Le décor reproduit sur deux grand tableaux la scène fameuse de La dolce vita de Federico Fellini avec une sensuelle Anita Ekberg qui se baigne dans la Fontaine de Trevi à Rome. Tout comme dans Cavalleria, la vie réelle se mêle à la fiction de façon ironique et dramatique à la fois.

L'air de Canio est non seulement le moment le plus attendu mais aussi le plus touchant et le plus ardu pour le protagoniste. L'écriture vocale de Leoncavallo demande au ténor de rajouter à la beauté du chant le réalisme : l'expression théâtrale doit se confondre avec l'expression naturelle. Aux inflexions vocales très douces, dans le rôle de Canio mêle un chant pur et tendu, alternant les éclats de colère et les élans passionnel. Son interprétation est sobre et assez pénétrante mais loin de la lamentation « authentique » d'un Caruso, de sa superbe et extraordinaire force dramatique. , Colombine très coquine et malicieuse nous livre une interprétation vocale légère et pétillante qui contraste avec la fierté presque masculine de Nedda. A la fin de la comédie un cri presque sinistre fait écho au prologue. Le rideau tombé tout ce qui reste est le rire douloureux de Paillasse.

Crédit photographique : Violetta Urmana (Santuzza) ; (Canio), (Nedda), (Beppe) & (Tonio) © Opéra national de Paris / Mirco Magliocca

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Paris. Opéra Bastille. 17-IV-2012. Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria rusticana, melodramma en un acte sur un livret de Giovanni Targioni-Tozzetti et Guido Menasci. Avec : Violeta Urmana, Santuzza ; Marcello Giordani, Turiddu ; Stefania Toczyska, Lucia ; Franck Ferrari, Alfio ; Nicole Piccolomini, Lola. Ruggero Leoncavallo (1858-1919) : I Pagliacci, opéra en deux actes sur un livret du compositeur. Avec : Brigitta Kele, Nedda ; Vladimir Galouzine, Canio ; Sergey Murzaev, Tonio ; Florian Laconi, Beppe ; Tassis Christoyannis, Silvio. Mise en scène : Giancarlo Del Monaco. Décors : Johannes Leiacker. Costumes : Birgit Wentsch. Lumières : Vinicio Cheli. Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’Enfants de l’Opéra national de Paris (chef de chœur : Patrick-Marie Aubert), direction : Daniel Oren

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