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Soirées lyrique et symphonique sur la scène du Corum à Montpellier

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Montpellier. Corum. 21-VII-2018. Léo Delibes (1836-1891) : Kassya, opéra posthume en quatre actes sur un livret d’Henri Meilhac et Philippe Gille. Avec : Véronique Gens, Kassya ; Cyrille Dubois, Cyrille ; Anne-Catherine Gillet, Sonia ; Nora Gubisch, Une bohémienne ; Alexandre Duhamel, le Comte de Zévale ; Renaud Delaigne, Kostska ; Jean-Gabriel Saint-Martin, Kolenati ; Rémy Mathieu, Mochkou ; Anas Seguin, Un sergent recruteur ; Luc Berlin-Hugault, Un Buveur, Un vieillard, 1er Seigneur. Solistes des chœurs : Véronique Parize, soprano, Christine Craipeau, mezzo-sorpano, Karlis Rutentals, ténor, Charles Alves da Cruz, ténor, Laurent Sérou, basse, 2e seigneur, Jean-Philippe Elleouet-Molina, Laurent Sérou, Xin Wang, Albert Alcaraz, basses. Chœur Opéra Montpellier Occitanie (chef de chœur : Noël Gény). Chœur de la Radio Lettone (chef de choeur : Sigvards Klava). Orchestre national Montpellier Occitanie, direction : Michael Schonwandt
22-VII-2018. John Adams (né en 1947) : The chairman dances, foxtrot pour orchestre ; Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano et orchestre en ré majeur « pour la main gauche » ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Le Sacre du printemps. Bertrand Chamayou, piano ; Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Santtu-Matias Rouvali

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Deux soirées, une lyrique et une symphonique, s'affichent durant le deuxième week-end du , sur l'immense plateau du Corum.

Bertrand ChamayouMG2_2999_redimensionnerÉtait-ce vraiment la peine d'exhumer Kassya, l'opéra posthume de que Massenet s'est chargé d'orchestrer et de terminer, en écrivant notamment les récitatifs ? La question vient aux lèvres à la lecture d'un livret, confié pourtant à d'illustres plumes (Meilhac et Gille) mais sans grande épaisseur, et à l'écoute d'une musique, non dénuée de charme, mais qui peine à trouver sa force dramatique. Mort prématurément, , dont la réputation tient à un seul titre, celui de Lakmé, laisse sa Kassya dans l'état d'une partition piano chant.

L'histoire, tirée d'une nouvelle de Sacher-Masoch, est située en Galicie, au sud de la Pologne. Kassya, jeune bohémienne, s'éprend de Cyrille, qui l'aime en retour. Mais elle cède aux avances du comte (« Tu n'es qu'une femme : Tu m'écouteras »), personnage odieux qui enverra Cyrille deux ans dans les armées pour mieux l'éloigner de sa conquête. À son retour, Cyrille trouve famille et amis sous le joug du couple tyrannique et pousse les paysans à la révolte. Kassya tente alors de reconquérir son ancien amant mais Cyrille épouse Sonia, l'amie d'enfance qui a toujours aimé Cyrille en secret. Kassya, abandonnée, se donne la mort. L'opéra est créé en 1893 à l'Opéra Comique, et disparaîtra de l'affiche des théâtres lyriques après huit représentations seulement.

Flattant le goût français, Delibes écrit quelques belles pages chorales (« chœur des frileuses ») et orchestrales (Polonaise, Dumka…), infiltrant le ton populaire à la faveur de modes « exotiques ». Le Ballet de l'acte IV (obertas, danse ruthène, sumka, trepak) confère une vraie couleur locale, avec l'intervention du violon tzigane de l'étonnante Dorata Anderzewska, super soliste de l'orchestre. Autant de divertissements concentrés dans les deux derniers actes, les plus riches, où l'influence de Massenet se fait davantage sentir : l'air de Sonia du quatrième acte, « Je vais revoir Cyrille », évoque irrésistiblement la Sophie de Werther tandis que Kassya, dans « Et je meurs comtesse », prend les accents de Manon.

Dans le rôle-titre, campe une personnalité sans grand relief (« fille étrange, qui n'aime ni l'amour, ni l'or », dit le Comte), sensuelle, dans sa Chanson slave de l'acte II, autant que cruelle. La voix peine parfois à s'imposer à côté d'un orchestre un rien bavard. Très appréciée, l'intervention courte mais intense de , la bohémienne qui vient prédire l'avenir à Kassya sur un rythme évoquant la scène des cartes de Carmen, confirme le talent scénique et vocal de cette grande mezzo. incarne son rôle d'amant trompé puis de héros révolutionnaire avec beaucoup de conviction et de justesse, et une diction impeccable, même si la voix légère se fatigue dans l'acte IV presque tristanesque, là où on attendait plus de couleur et de médium expressif. Vaillant dans son seul air, le baryton (Le comte), est plus à la peine dans ses récitatifs, exécutés sans nuances ni précision. La remarque vaut également pour la basse (Kostska), le père de Cyrille, dont la voix longue se prête difficilement à cette stylisation. (Sonia) l'assume quant à elle avec un naturel et une aisance remarquable, servant à merveille le style français, avec la fraîcheur requise et l'ampleur lyrique de la voix.

Exigeante également est la partition d'orchestre très voire trop écrite, que l'on aurait souhaitée plus transparente et épurée. De fait, l'orchestre – celui, toujours vaillant, de Montpellier Occitanie – sonne de manière un rien massive face aux voix parfois submergées. Les chœurs de l'Opéra Montpellier Occitanie et de la Radio Lettone, bien préparés, sont eux-aussi très sollicités, et confèrent une belle dimension à l'ouvrage lyrique, défendu ce soir par le maître d'œuvre Michael Schonwandt. Gageons qu'avec une mise en scène et un orchestre en fosse, l'opéra pourrait trouver tout à la fois son équilibre, son envergure et, qui sait, une couleur singulière.

rutavaliMG2_2974_redimensionnerLe « Sacre » rutilant de

Le lendemain, sur le même plateau, et à la tête de l', le jeune chef finlandais , tout juste 33 ans, dirige Adams, Ravel et Stravinsky. Le programme est somptueux, invitant au piano dans le redoutable Concerto pour la main gauche de , qui précède Le Sacre du printemps.

The Chairman dances, foxtrot pour orchestre de , est une pièce de 1985 qui précède de deux ans son opéra Nixon in China. Elle a sans doute été choisie pour faire valoir, au sein d'un « Philhar » irréprochable, la mécanique orchestrale bien huilée et fonctionnant sur de fins engrenages imaginée par le compositeur américain. L'œuvre sonne dans la plénitude et l'équilibre des forces sonores, laissant apprécier les spectaculaires décrochages rythmiques qui fondent la trajectoire sonore.

Écrit pour le pianiste Paul Wittgenstein, qui avait perdu son bras droit à la guerre, le Concerto pour la main gauche de , conçu d'un seul tenant, exprime tout la fois l'urgence et la révolte, en même temps qu'un sentiment de panique devant la mort, comme on l'entend dans la Valse écrite dix ans auparavant. L'exécution du concerto exige du pianiste de trouver un autre équilibre pour donner à la main gauche toute sa force et son amplitude face à l'orchestre. On voit modifier sa position selon son jeu. La main droite est sur la jambe lorsqu'il joue dans les graves ou s'appuie sur le cadre du piano lorsqu'il est dans l'aigu, la pédale de résonance étant alors actionnée par le pied gauche : autant de moyens pour permettre la projection du son dans une interprétation qui sidère, par la virtuosité déployée et l'énergie qui sourd de son geste. Le courant passe entre l'orchestre et le soliste, dans une deuxième partie s'arque-boutant sur des rythmes de jazz avec tambour militaire et déflagrations de cuivres. Le dernier solo du pianiste, d'une tendresse infinie, nous fait basculer dans l'univers féerique de Ravel, juste avant le final ponctué par une percussion qui n'aura jamais été aussi rageuse que ce soir. On revient à une certaine forme de sérénité avec La Pavane pour une infante défunte que Chamayou offre en bis à son public.

Le Sacre du printemps ne déçoit pas sous la baguette souple et précise du jeune chef dont le geste élégant et aérien n'est pas sans rappeler celui de son aîné et compatriote Esa-Pekka Salonen. La première partie file droit, à fière allure, dans l'énergie du son et la dramaturgie des contrastes. Tout y est finement ciselé et fonctionne à merveille. Rouvali marque à peine la césure entre les deux parties, conférant à l'introduction du deuxième tableau sa part de mystère et d'alliages sonores singuliers. Les tempi sont toujours alertes (Glorification de l'élue) et les cernes rythmiques très accusés (Action rituelle des ancêtres). La danse sacrale est intelligemment menée, sans vitesse excessive, dans la pluralité des contrastes et l'attente du refrain, jusqu'au point de non retour.

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