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La Fille de Madame Angot fait Mai 68 sur la scène de l’Opéra Comique

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Paris. Opéra-comique. 29-IX-2023. Charles Lecocq (1832-1918) : La Fille de Madame Angot. Livret de Clairville, Paul Siraudin et Victor Koning. Mise en scène : Richard Brunel. Décors et costumes : Bruno de Lavenière. Avec : Hélène Guilmette (Clairette) ; Véronique Gens (Mademoiselle Lange) ; Pierre Derhet (Pomponnet) ; Julien Behr (Ange Pitou) ; Matthieu Lécroart (Larivaudière) ; Floriane Derthe (Amarante) ; Ludmilla Bouakkaz (Hersilie) ; Antoine Foulon (Louchard) ; Mathieu Walendzik (Cadet, un officier, Buteux, Guillaume) ; Geoffroy Carey (Trénitz). Le Concert spirituel, chœur. Orchestre de chambre de Paris, direction : Hervé Niquet

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« C'n'était pas la peine assurément de changer de gouvernement », « Perruque blonde et collet noir »… La Fille de Madame Angot, tube de et de la IIIème République, fait son retour sur la scène de l'Opéra Comique, étrangement propulsée en Mai 68, sous la baguette inspirée d'.


Créée à Bruxelles en 1872, quand Paris se remettait à peine de la guerre, puis donnée à Paris dans une version un peu différente, La Fille de Madame Angot a été rééditée récemment par le Palazzetto Bru Zane. La version bruxelloise, qui valorise notamment les voix, a été retenue par Bru Zane, puis . À la tête de l' et du chœur du Concert Spirituel, le chef redonne ses lettres de noblesse à une musique entraînante, où les valses et les tsouin-tsouins ne manquent pas, mais avec des raffinements d'orchestration que l'on apprécie dans l'ouverture et les entrées d'actes, et dont l'écriture pour les voix, notamment en chœur, n'a rien à envier à celle d'Offenbach. Le plateau est tout aussi luxueux : incarne une Clairette passionnée et vive, à la voix à la fois claire et timbrée et au phrasé souple, plus opéra-comique qu'opérette, pour ainsi dire. Nous retrouvons la voix de , savoureuse malgré quelques difficultés de projection dans sa première intervention. En Madame Lange, la tragédienne hors pair joue sans mal la grande dame qui s'encanaille. , en Amaranthe, chante l'air de la « Légende la mère Angot », mi-lyrique, mi-gouailleuse, ravivant un bref instant le parfum populaire des Halles. Les interprètes masculins sont impeccables, chacun dans son rôle bien caractérisé : a la voix très sûre dans celui ingrat de Pomponnet ; , en beau voyou, déploie une voix de ténor, bien timbrée, jusque dans les aigus ; et le baryton excelle en Larivaudière cocu et comique. Certains ensembles sont particulièrement réussis vocalement et scéniquement : duos entre Mademoiselle Lange et Clairette, duo des forts entre Pomponnet et Larivaudière et le trio qui s'en suit avec Clairette, un des rares moments vraiment comiques. Notons néanmoins qu'un coup d'œil aux surtitres s'avère, par moments, nécessaire, même s'il est difficile de l'attribuer à une faiblesse d'articulation de tel ou tel chanteur, à la présence de l'orchestre, ou au décalage entre le texte et l'action.

Le pari du metteur en scène consistant à rapprocher du spectateur un livret alambiqué et faiblement comique, était louable… sur le papier. Rappelons l'action : au temps du Directoire, Clairette, « fille des Halles » qui doit épouser le perruquier Pomponnet, croit aimer le chansonnier royaliste Ange Pitou. Celui-ci lui fait des infidélités avec l'actrice Mlle Lange, la favorite du directeur Barras, également bonne amie du financier Larivaudière. L'histoire est transposée en Mai 68 avec ses slogans, son décor d'usine Renault en grève, ses CRS, et ses pat' d'eph', mais un Mai 68 sage, très Jacques Demy, par ses costumes colorés et son attachante mièvrerie. Le personnage de Trenitz, un « Incroyable », une de ces figures excentriques du Directoire, devient par un choix habile un dandy à l'accent américain, dialoguant avec la fosse, pour notre amusement. Certaines trouvailles fonctionnent bien : Clairette et Mademoiselle Lange en demoiselles de Rochefort, et plus encore l'utilisation du porte-voix pour claironner « Je suis la fille de Madame Angot ». Mais généralement la transposition complique inutilement le propos, donne lieu à des décalages ridicules avec le texte inchangé : « la fille des Halles » en usine, « les hussards d'Augereau, sauvons-nous ! » en CRS, la présence d'un royaliste en la personne d'Ange Pitou et surtout ce statique « Valsons ! » entonné par un chœur assis dans des fauteuils de cinéma. L'ennui guette régulièrement pendant les deux premiers actes et se dissipe au troisième, quand le dénouement de l'action concorde parfaitement avec la musique et sa succession d'airs entraînants. Malgré la réussite musicale, le public est pour le moins partagé, entre huées et applaudissements, à l'issue de cette deuxième représentation.

Crédits photographiques : , © Jean-Louis Fernandez
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Paris. Opéra-comique. 29-IX-2023. Charles Lecocq (1832-1918) : La Fille de Madame Angot. Livret de Clairville, Paul Siraudin et Victor Koning. Mise en scène : Richard Brunel. Décors et costumes : Bruno de Lavenière. Avec : Hélène Guilmette (Clairette) ; Véronique Gens (Mademoiselle Lange) ; Pierre Derhet (Pomponnet) ; Julien Behr (Ange Pitou) ; Matthieu Lécroart (Larivaudière) ; Floriane Derthe (Amarante) ; Ludmilla Bouakkaz (Hersilie) ; Antoine Foulon (Louchard) ; Mathieu Walendzik (Cadet, un officier, Buteux, Guillaume) ; Geoffroy Carey (Trénitz). Le Concert spirituel, chœur. Orchestre de chambre de Paris, direction : Hervé Niquet

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