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Les Soldats de Zimmermann envahissent la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie ; Grande Salle Pierre Boulez. 28-I-2024. Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) : Die Soldaten, opéra en quatre actes sur un livret du compositeur, d’après le drame-comédie de Jakob Reinhold Lenz. Mise en espace : Calixto Bieito. Assistante : Nina Dudek. Avec : Tómas Tómasson, Wesener ; Emily Hindrichs, Marie ; Judith Thielsen, Charlotte ; Kismara Pezzati, La mère de Wesener ; Nikolay Borchev, Stolzius ; Alexandra Ionis, La mère de Stolzius ; Lucas Singer, Obrist, Comte von Spannheim ; Martin Koch, Desportes ; John Heuzenroeder, Pirzel ; John Heuzenroeder, Pirzel ; Oliver Zwarg, Eisenhardt ; Milienko Turk, Haudy ; Wolfgang Stefan Schwaiger, Mary ; Laura Aikin , La comtesse de la roche ; Yongseung Song, Yong Woo Kim, Artjom Korotkov, Trois jeunes officiers ; Alexander Kaimbacher, Jeune comte de la Roche ; Alexander Fedin, Domestique de la comtesse ; Ján Rusko, Le jeune enseigne ; Frederik Schauhoff, L’officier ivre ; Denise Meisner, Double de Marie – rôle muet. Gürzenich-Orchester Köln, direction musicale : François-Xavier Roth.

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Opéra monumental par excellence, Die Soldaten de  s'installe petit à petit au répertoire et retrouve la France après trente ans d'absence grâce à la Philharmonie de Paris dont le volume permet aux forces musicales de Cologne de s'épanouir.


Opéra célèbre pour les amateurs de musique contemporaine, Die Soldaten (Les Soldats) de , d'après la pièce de Jakob Lenz, s'est imposé, dès la création de 1965 à Cologne, comme un chef-d'œuvre (l'enregistrement existe chez Wergo), en même temps que l'œuvre a été jugée très complexe à monter. Reprise tout de même en 1987 à Stuttgart dans une production de Harry Kupfer (enregistrement Teldec/Warner), elle a pu bénéficier d'une belle visibilité en France en 1983 à l'Opéra de Lyon dans la mise en scène de Ken Russell sous la direction de Serge Baudo, puis en 1994 dans la toute jeune salle de l'Opéra Bastille. Trente ans plus tard, le génie de cette partition ne s'est pas altéré et après un beau renouveau à Amsterdam (MsC Willy Decker, 2010) puis Salzbourg (MsC Alvis Hermanis, 2012), elle a pu être montée dans des salles plus petites comme Zurich (2013) et Berlin (2014) dans une mise en scène de revue par la suite à Madrid (2018). L'œuvre s'est installée au répertoire avec également d'autres représentations à Munich (MsC Kriegenburg, 2014) ou Nuremberg (MsC Konwitschny, 2018)

Aujourd'hui, avec un décalage de quelques années à cause des confinements, Les Soldats s'emparent de la Philharmonie de Paris, en associant les forces symphoniques de la nouvelle production de Cologne (2018, MsC Carlus Padrissa) et une mise en espace de Bieito, en plus d'une distribution partiellement inédite.

Placés à l'arrière-scène, les chanteurs montent sur une estrade qui n'est pas sans rappeler la proposition de Cologne, mais sur laquelle Bieito réutilise des bribes de sa propre production zurichoise. Alors, plutôt que de mettre l'orchestre en hauteur et laisser l'action scénique à l'avant, il place les chanteurs derrière l'orchestre et réussit surtout les scènes de groupe, dont celles où les soldats entrent au pas. Moins évident à comprendre, surtout si l'on n'a pas les clés de sa mise en scène initiale, il en réutilise des éléments dans sa mise en espace, au risque de laisser à plat certaines  idées. Par exemple, dans la scène finale, au lieu d'être aspergée par un plein seau de sang après la scène du viol, le double de Marie se voit juste grimé de quelques traces rouges sur les bras.

Bien supérieur est la musique, où la qualité technique du Gürzenich-Orchester Köln est magnifiée par un des grands soirs. Imposant par le nombre de musiciens sur la grande scène de la Philharmonie, l'orchestre impressionne par sa masse et sa violence dès les accords initiaux, d'une franchise et d'une force surpuissantes. Malgré cette ferveur, le chef parvient à faire ressortir également toute la subtilité de l'orchestration, des citations aux passages pour guitare (magnifique) ou au groupe de jazz, en plus de tenir avec rigueur la distribution.


Déjà splendide en Marie en 2018, reprend le rôle avec la même assurance et le même brio  avec une ligne de chant jamais perturbée par la tension de l'écriture vocale. est un Wesener clair au timbre un peu trop conventionnel pour se démarquer, là où le ténor se montre à l'inverse un peu trop aigre en Desportes. Chez les hommes, on préfère , excellent Eisenhardt, tandis que parmi les femmes, Judith Tielsen se montre presque lyrique et très présente scéniquement en Charlotte, là où la contralto caractérise par sa vigueur la vieille mère de Wesener. À noter également, comme une boucle historique dans ce drame de la destruction, la comtesse de la Roche permet d'entendre encore , elle-même Marie en 2012 à Salzbourg : en musique comme dans le monde actuel, l'histoire Des Soldats n'est pas prête de s'arrêter.

Crédits photos : © Antoine Benoit-Godet/Cheeese

Modifié le 9/2/2024 à 13h21

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Paris. Philharmonie ; Grande Salle Pierre Boulez. 28-I-2024. Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) : Die Soldaten, opéra en quatre actes sur un livret du compositeur, d’après le drame-comédie de Jakob Reinhold Lenz. Mise en espace : Calixto Bieito. Assistante : Nina Dudek. Avec : Tómas Tómasson, Wesener ; Emily Hindrichs, Marie ; Judith Thielsen, Charlotte ; Kismara Pezzati, La mère de Wesener ; Nikolay Borchev, Stolzius ; Alexandra Ionis, La mère de Stolzius ; Lucas Singer, Obrist, Comte von Spannheim ; Martin Koch, Desportes ; John Heuzenroeder, Pirzel ; John Heuzenroeder, Pirzel ; Oliver Zwarg, Eisenhardt ; Milienko Turk, Haudy ; Wolfgang Stefan Schwaiger, Mary ; Laura Aikin , La comtesse de la roche ; Yongseung Song, Yong Woo Kim, Artjom Korotkov, Trois jeunes officiers ; Alexander Kaimbacher, Jeune comte de la Roche ; Alexander Fedin, Domestique de la comtesse ; Ján Rusko, Le jeune enseigne ; Frederik Schauhoff, L’officier ivre ; Denise Meisner, Double de Marie – rôle muet. Gürzenich-Orchester Köln, direction musicale : François-Xavier Roth.

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